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Extrait du dossier pédagogique
réalisé par les Grignoux et consacré au film
La Vie des autres — Das Leben der Anderen
de Florian Henckel von Donnersmarck
Allemagne, 2006, 2 h 17

Le dossier pédagogique dont on trouvera un extrait ci-dessous s'adresse aux enseignants du secondaire qui verront le film La Vie des autres avec leurs élèves (entre quatorze et dix-huit ans ans environ). Il contient plusieurs animations qui pourront être rapidement mises en œuvre en classe après la vision du film.

Interpréter le film

La Vie des autres de Florian Henckel von Donnersmarck n'est pas bien sûr un documentaire (même s'il a une dimension historique évidente) et se présente avant tout comme une fiction. On peut donc se demander ce que cette dimension fictive apporte en termes de compréhension ou, plus largement, de perception au spectateur par rapport à un reportage ou un documentaire.

Plusieurs réponses peuvent être apportées à une telle question — par exemple, la fiction susciterait une implication émotionnelle plus grande du spectateur —, mais l'on ne s'attachera ici qu'à un seul aspect du film qui paraît plus particulièrement significatif: le personnage du capitaine Wiesler, qui est au centre du récit, est très visiblement un individu atypique qui, contrairement aux autres personnages, ne semble pas inspiré d'un individu réel [1]. C'est un personnage né de l'imagination du cinéaste (qui est également l'auteur du scénario), ce qui peut nous amener, en tant que spectateurs, à nous interroger sur la signification ou la motivation de ce personnage: pourquoi avoir imaginé un tel agent de la Stasi, qui va être amené à trahir la mission qui lui a été confiée?

Posée ainsi, la question est relativement complexe parce qu'elle porte sur les intentions supposées de l'auteur du film (cinéaste et scénariste) qui sont difficiles à reconstituer et hypothétiques [2]. Pour tenter d'y apporter une réponse, il convient sans doute de poser une question plus évidente qui porte essentiellement sur les motivations supposées du personnage: pourquoi le capitaine Wiesler trahit-il les ordres de ses supérieurs et couvre-t-il en définitive ceux qu'il est chargé d'espionner?

Cette question se pose d'autant plus naturellement que le capitaine Wiesler est un individu particulièrement laconique sinon muet, et qu'il ne s'expliquera jamais sur ses faits et gestes. Pour les participants, il s'agira essentiellement de trouver dans le film des éléments qui justifient leur réponse et qui éclairent à leur avis le comportement de Wiesler. La discussion aura cependant plus d'intérêt si les spectateurs proposent des interprétations différentes, permettant ainsi une confrontation (pacifique) des opinions. Ainsi pour lancer la discussion, l'on peut proposer de façon sommaire trois grandes interprétations: Wiesler découvre chez Georg Dreyman et Christa Sieland un monde d'art et de culture qu'il ne connaissait pas et qui va peu à peu le fasciner. Wiesler s'aperçoit que la mission qui lui a été confiée n'a rien à voir avec les idéaux politiques qu'il est censé défendre, et que la ligne de partage entre le bien et le mal est plus floue ou plus incertaine que ce qu'il pensait. Wiesler tombe amoureux de Christa Sieland et cherche à la protéger.

Ces hypothèses ne sont évidemment pas exclusives, mais le choix de l'une ou l'autre amènera naturellement les participants à mettre l'accent sur des éléments filmiques différents. Au-delà du personnage, qui reste fondamentalement un être de fiction, l'enseignant ou l'animateur orientera cependant la réflexion des participants vers la construction d'ensemble du film où ce personnage prend place et donc vers les intentions de l'auteur. On trouvera dans l'encadré ci-dessous un exemple d'interprétation du film qui peut être ainsi faite.


1. Tous les personnages du film sont, dans une certaine mesure, des créations fictives, mais il est facile de trouver pour la plupart d'entre eux des «modèles» plus ou moins directs: ainsi, il est difficile en voyant le personnage du dramaturge Dreyman de ne pas penser à l'écrivain Heiner Müller (1929-1995), qui a vécu la plus grande partie de sa vie en RDA, refusant de s'exiler (alors qu'il en avait la possibilité) alors qu'il était peu apprécié des autorités et que son œuvre était essentiellement jouée en RFA. Même si la carrière de Müller fut très différente de celle (fictive) de Dreyman, l'on y décèle la même ambiguïté à l'égard du pouvoir en place, mais également du pouvoir à son égard. En revanche, il n'y a pas de figure historique connue qui se rapproche de celle du capitaine Wiesler, agent de la Stasi qui choisit de protéger les individus qu'il est censé dénoncer (actuellement, la situation est même plutôt l'inverse, puisque l'ouverture des archives de la Stasi a révélé le nombre inquiétant de collaborateurs de cette police politique dans la population).

2. Le recours à des interviews du cinéaste pourrait sans doute apporter des éléments de réponse, mais ce n'est pas nécessairement le cas: les motivations d'un créateur (comme de tout autre individu d'ailleurs) restent en effet souvent intuitives ou implicites, sinon même inconscientes. La réflexion proposée ici ne consiste donc pas à deviner ce que «pense vraiment» Florian Henckel von Donnersmarck mais à interpréter le film en se situant non pas au niveau des personnages mais à celui de l'auteur (au sens fort du terme) puisque le film est une fiction et que les personnages représentés sont les produits d'une imagination créatrice.

La trahison du capitaine Wiesler

Le capitaine Wiesler est-il amoureux de Christa? La plupart des spectateurs ne font pas cette hypothèse (ou même la rejettent) comme on le constate facilement à la lecture des critiques cinématographiques publiées dans la presse ou sur Internet, où seules quelques personnes semblent penser que les motivations de Wiesler seraient essentiellement amoureuses ou érotiques. Cette interprétation mérite cependant d'être défendue, car elle permet, comme on va le voir, de rendre compte d'un grand nombre d'éléments du film, même si elle reste fondamentalement hypothétique et que chaque spectateur restera en définitive libre ou non d'y adhérer.

Dès le début du film sont mises en place des relations érotiques très fortes: Georg Dreyman a écrit une pièce, qui s'intitule les Visages de l'amour, et qui donne le rôle principal à sa compagne Christa. Leur liaison amoureuse est facile à deviner, et Wiesler peut les voir enlacés dans une encoignure de porte immédiatement après la représentation. Le rôle de Christa est d'ailleurs celui d'une femme en souffrance, une situation suscitant naturellement une compassion qui n'est pas très éloignée de la passion...

Rien dans l'attitude du capitaine Wiesler ne trahit cependant à ce moment ses états d'âme. Il se contente d'observer la scène avec des jumelles, instrument classique d'espionnage mais également de «voyeurisme», même s'il semble observer aussi bien Dreyman que son épouse. Isolée, cette scène est anodine, mais, replacée dans le contexte du film et revue a posteriori, elle apparaît comme le moment clé où Wiesler «pénètre» pour la première fois dans l'intimité de cette jeune femme — grâce aux jumelles, il peut la voir de près alors qu'elle ne le voit pas — tout en pouvant éprouver pour son talent d'actrice une sincère admiration (ce dont il lui reparlera plus tard).

La séquence suivante révèle en revanche l'attirance malsaine que le ministre de la culture éprouve pour Christa. Le personnage n'a rien de sympathique, il abuse de son pouvoir et agit avec grossièreté (il interrompt la musique pour prendre le micro), la différence d'âge avec la jeune femme est manifeste, et son aspect physique est peu engageant. Tous ces éléments rendent le désir qui l'anime visiblement répugnant aux yeux du spectateur mais aussi de Wiesler qui observe la scène de loin. À travers l'image du ministre se dessine ainsi une image négative du désir érotique qu'un homme peut éprouver pour une femme, un désir qui vise à la dominer, à s'imposer à elle, sinon à l'humilier et à la rabaisser comme en témoignera la séquence sexuelle dans l'auto qui sera marquée par l'apostrophe du ministre à Christa: «Dis-moi que tu n'en as pas besoin!». On remarquera qu'à ce moment, Christa se retrouve dans une situation similaire à celle qu'elle jouait sur scène, celle d'une femme humiliée par le pouvoir (dans la pièce, on devine qu'elle joue une ouvrière exploitée par un patron, situation où la domination économique se double souvent d'une domination sexuelle): or la pièce est sans aucun doute un appel — adressé au spectateur — à mettre fin à cette humiliation ou à cette douleur, et, pour le «spectateur» de la vie réelle[1] de Christa (et ce spectateur est Wiesler), il peut donc y avoir un appel similaire à «venir en aide» à la jeune femme.

Dès le début du film, le capitaine, censé défendre des valeurs politiques, est donc confronté à une situation fortement érotique où deux hommes — Dreyman et le ministre — désirent la même femme. Très peu de choses laissent cependant soupçonner à ce moment qu'il pourrait être lui aussi attiré par la jeune femme, tant le personnage est réservé, visiblement engoncé dans sa veste trop serrée, le visage impassible et ne trahissant aucune émotion: sur ce point, Wiesler s'oppose nettement au ministre volubile, expansif, trahissant facilement le désir qui l'anime (Dreyman dit immédiatement à son propos à Christa: «Je crois qu'il a le béguin pour toi»).

Mais ensuite, plusieurs indices trahissent les sentiments qu'éprouve le capitaine Wiesler. Ainsi, alors qu'il a constaté dès le début de sa mission l'infidélité de Christa (ramenée dans la limousine du ministre), il va s'arranger, en manipulant le système de sonnerie, pour que Dreyman soit le témoin de cette infidélité: or aucun motif ni policier ni politique ne justifie cette action. Que veut-il donc provoquer par là? Qu'espère-t-il sinon jeter le trouble à l'intérieur de ce couple?

Pourtant Dreyman ne cherchera pas la dispute avec Christa qui va prendre une douche avant de s'effondrer sur le lit; Georg la rejoint, et elle lui demande seulement de la serrer dans ses bras. Son mari s'exécute, et, au même moment, le capitaine Wiesler, à l'écoute, se penche dans un geste de protection similaire à celui de Dreyman, comme si, d'une certaine manière, il prenait sa place. À l'opposé du ministre, le dramaturge dessine une autre figure de l'amour, un amour protecteur, un amour qui supplée à la faiblesse de la femme, un amour qui a une composante fortement compassionnelle: plus tard, Dreyman dira d'ailleurs à Christa qu'il sait qu'elle se drogue, indiquant ainsi qu'il continue à l'aimer malgré sa dépendance. En même temps, l'on peut sans doute penser qu'il l'aime parce qu'elle est faible et «dépendante», comme l'indique le rôle qu'il lui a précédemment confié dans sa pièce (celui d'une femme blessée, hantée par des visions douloureuses, à laquelle il vient, en tant qu'auteur, porter secours).

D'une certaine manière, Wiesler aura à choisir entre ces deux images du désir et de l'amour. Ainsi, dans la séquence qui suit immédiatement la révélation de l'infidélité de Christa, on voit le capitaine accueillir chez lui une prostituée qui remarque incidemment que c'est sa première visite. Cette scène relativement sordide est néanmoins un signe évident du trouble de nature érotique qu'éprouve à ce moment Wiesler: alors qu'il vient d'être le témoin de l'amour de Dreyman capable de surmonter l'infidélité, lui-même semble rechercher de manière maladroite — il demande à la prostituée de rester encore un moment, ce qu'elle refuse — une forme de passion qui est nouvelle pour lui — manifestement célibataire, c'est sans doute une des premières fois qu'il fait appel à une prostituée —. Le lendemain, il dérobera d'ailleurs dans l'appartement du dramaturge un volume de poésies de Bertolt Brecht (1898-1956) dont il retiendra un poème d'amour célèbre: «Erinnerung an die Marie A.». À la sexualité sordide succède ainsi une forme d'amour particulièrement idéalisée, un amour «courtois» où la femme mise sur un piédestal paraît plus rêvée que réelle.

Alors que le ministre veut posséder physiquement la femme qu'il désire (quitte à la rabaisser au rang d'une prostituée), Wiesler s'oriente quant à lui vers une passion beaucoup plus sentimentale qui suppose une «communion d'âmes» ou, pour parler un langage moins «spiritualiste», le partage d'émotions communes: comme Christa, le capitaine redevenu espion sera profondément ému (on le voit pleurer) en écoutant la Sonate pour un homme de bien qu'interprète Georg après la mort de Jerska et qui leur rappelle «l'Appasionata»[2], cette musique que Lénine ne pouvait pas écouter en entier car elle l'aurait empêché de terminer la Révolution... Sans doute, cette émotion pourrait n'être que musicale, sans dimension érotique, et Wiesler s'identifierait alors aussi bien à Christa qu'à son compagnon réunis dans ce moment de deuil.

Mais différents indices montrent que le capitaine se préoccupe bien plus de la jeune femme que de son mari: lors de ses perquisitions secrètes, on le verra contempler la photo de Christa sur le bureau de Georg et s'agenouiller au bord du lit conjugal. Bientôt, un soir de rendez-vous, Christa quitte l'appartement pour rejoindre le ministre, malgré les objurgations de Georg, et Wiesler, qui a dû abandonner son poste d'observation au profit de son subordonné, s'attarde en rue pour observer ce que va faire la jeune femme: le hasard les réunit alors dans le même café où, pour la première fois, il s'adresse à elle. Il se présente comme un spectateur, un simple admirateur[3], un membre anonyme du public, et il lui affirme qu'elle est une grande artiste. Mais au-delà de cette admiration qui n'est encore qu'une forme idéalisée de l'amour, Wiesler tient des propos ambigus sur la personnalité profonde de Christa, et il prétend en particulier qu'elle n'est pas elle-même lorsqu'elle dit aller rendre visite à une ancienne camarade de classe: lui sait bien qu'elle ment et qu'elle va chez le ministre, et, par ses propos, il la détourne donc volontairement de ce rendez-vous. Il intervient dans la vie «amoureuse», intime, personnelle de la jeune femme qu'il va ainsi «sauver» d'une forme dégradante de prostitution. Indirectement, il prend également le «parti» de Georg contre le ministre, ce qui peut expliquer qu'il ferme les yeux sur les manigances de l'écrivain en contact avec le journaliste du Spiegel.

Mais, en agissant ainsi, il ne se doute pas qu'il précipite la chute de Christa puisque le ministre furieux va la faire arrêter pour usage de stupéfiants. Le piège se referme aussi sur Wiesler que son supérieur Grubitz, devenu soupçonneux, va contraindre à interroger Christa: le capitaine devra jouer un double jeu, obligeant la jeune femme à révéler la cachette de la machine à écrire mais s'arrangeant pour faire ensuite disparaître l'objet compromettant. On remarquera cependant que, lors de cet interrogatoire, il lui reparle de sa carrière d'actrice et lui demande de penser à son «public», c'est-à-dire à... lui-même puisqu'il avait dit lors de leur précédente rencontre qu'il était «le public». Encore une fois, la passion qui l'anime ne doit pas être considérée comme égoïste puisqu'il s'arrangera ensuite pour faire disparaître la machine à écrire avant la nouvelle perquisition menée par Grubitz: en agissant comme il le fait, il imagine certainement pouvoir préserver la carrière de Christa et maintenir vivante cette image qu'elle a donnée d'elle-même lors de la première représentation théâtrale.

Mais Christa, qui se croit coupable d'avoir dénoncé son mari, s'enfuit et est victime d'un accident (qui est peut-être aussi un suicide). Wiesler se précipite vers elle, et elle meurt à ses pieds avant qu'il ne cède la place à Georg descendu de son appartement. Empreint d'humanité, le geste de Wiesler qui s'avance vers Christa mourante (sans la prendre cependant dans ses bras) révèle de manière dramatique la force des sentiments qui le poussent vers la jeune femme. Il ne cherchera d'ailleurs jamais par la suite à prendre contact avec Georg qui lui est pratiquement indifférent en dehors de sa relation avec Christa. La mort de la jeune femme met fin d'une certaine manière à la «trahison» du capitaine Wiesler qui rentre «dans le rang» — il est vrai qu'il a été rétrogradé — et qui restera désormais éloigné du monde des dissidents dont Georg fait (sans doute) désormais partie.

*

Si l'on se place à présent du point de vue de l'auteur du film, on constate qu'il a voulu préserver le caractère énigmatique de son personnage principal dont les pensées et sentiments ne seront jamais explicités (ce qu'il aurait pu faire par exemple par un procédé aussi courant que la voix off). Mais les différentes péripéties imaginées par le cinéaste et scénariste sont révélatrices de l'importance du personnage de Christa dans l'évolution du capitaine Wiesler.

Dès le départ, celui-ci est en effet mis en situation de voyeur, constatant l'infidélité forcée de la jeune femme qu'il espionne (alors que son compagnon quant à lui semble parfaitement fidèle). Se pose ainsi immédiatement la question du désir qu'il peut éprouver pour cette femme qui semble particulièrement séduisante pour les hommes qui l'entourent. Une scène comme celle de la rencontre avec la prostituée n'a ainsi de sens qu'en ce qu'elle révèle le trouble sexuel qu'éprouve le personnage.

Le triangle que forment le ministre, Christa et Georg est bien au centre de l'intrigue imaginée par le cinéaste, et l'on doit donc supposer qu'il joue un rôle important dans l'évolution du capitaine Wiesler qui assiste à plusieurs reprises aux ébats amoureux du couple et qui intervient dans leur relation aussi bien en dénonçant l'infidélité de Christa qu'en la dissuadant ultérieurement de se rendre à son rendez-vous avec le ministre. On remarquera par ailleurs qu'il semble pratiquement indifférent aux motivations qui animent Georg marqué quant à lui par le suicide de Jerska et choqué par la censure des chiffres du suicide en RDA: ainsi, il ne dénonce pas aux gardes-frontières le passage supposé de Paul Hauser à l'Ouest mais seulement par tolérance («Rien que cette fois, l'ami!») sans cesser de considérer qu'il s'agit là d'un acte illégitime. Par la suite, Wiesler, qui espionne le couple, n'entrera en contact qu'avec Christa et restera totalement inconnu de Georg: lors de ces rencontres improbables, il témoignera seulement de l'admiration qu'il porte à Christa, mais c'est le seul sentiment fort qu'il exprimera au cours du film et qui peut dès lors expliquer qu'il cherche à protéger la jeune femme et, indirectement, le couple qu'elle forme avec son mari.

Enfin, la mort de la jeune femme apparaît comme une situation très romantique, car, si elle rend impossible toute relation entre Christa et Wiesler, elle fait aussi de lui le dépositaire de la mémoire de la jeune femme (on remarquera que Wiesler restera seul alors que Georg sera visiblement accompagné par une nouvelle compagne lors de la seconde représentation de sa pièce dans l'Allemagne réunifiée). Ainsi, même s'il cède sa place au mari, il l'a prise au moment décisif du décès de la jeune femme (il suffit d'imaginer que ce soit Georg qui ait été victime d'un accident pour comprendre que Wiesler serait alors vraisemblablement resté en retrait.)

Dans cette perspective, la dédicace que Georg laissera dans son nouveau roman à l'agent HGW XX/7, désigné comme un «homme bien» peut sembler naïve sinon erronée, puisqu'elle ignore la passion secrète que cet homme portait vraisemblablement à Christa, mais il faut sans aucun doute tenir compte de la forme idéalisée de cet amour «courtois»[4] porté à l'abnégation et au sacrifice de soi.


1. La «réalité» est évidemment ici celle qui est posée dans le cadre de la fiction.

2. Il s'agit de la sonate pour piano n°23 en fa mineur op.57 dite «Appassionata» de Beethoven (1770-1827).

3. Il dit alors l'avoir vue sur scène, ce qui confirme l'importance de la première séquence du film où il avait paru impassible mais qui constitue bien le moment déclenchant de la passion qui l'anime. On remarquera encore qu'il dit admirer Christa mais qu'il ne parlera jamais de la pièce elle-même: la présence de l'actrice semble avoir effacé tout le contenu de cette pièce.

4. On peut prendre ce terme au sens originel, celui de cet amour qu'au Moyen Âge, des chevaliers portaient à des dames de rang supérieur auxquelles ils se liaient par une fidélité sans espoir de retour.


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