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Extrait du dossier pédagogique
réalisé par les Grignoux et consacré au film
Les Combattants
de Thomas Cailley
France, 2014, 1h38

Ce dossier pédagogique s'adresse aux enseignants et animateurs qui souhaitent aborder le film Les Combattants avec un large public d'adultes ou d'adolescents. Il propose plusieurs animations pour en explorer les différents aspects ‹ les différents personnages, la construction du récit, la mise en scèneŠ ‹ après la projection.

Un personnage atypique

On peut dire que le personnage de Madeleine dans les Combattants est atypique, dans la mesure où elle est très différente des autres jeunes, et aussi, pourrait-on dire, des autres filles, même s'il y a très peu d'autres jeunes personnages féminins dans le film.

Invitons les spectateurs à brosser le portrait de Madeleine, en citant les traits qui la différencient des autres jeunes.

Ensuite, le portrait des autres jeunes personnages du film, en particulier d'Arnaud, également tracé par les spectateurs, pourra être mis en parallèle avec celui de Madeleine.

Commentaires

Madeleine pense que la fin du monde est proche: les menaces sont si nombreuses que le monde court forcément à sa perte. Si elle prévoit l'extinction de la race humaine, elle espère néanmoins survivre. Pour cela, elle s'entraîne et veut apprendre des techniques de survie et de combat.

Photo du filmToute son existence est tendue vers ce but: survivre là où les autres ne survivront pas.

Par conséquent, elle se détourne des centres d'intérêt des autres jeunes: avoir des loisirs, des amis, chercher l'amour ou des aventures sexuelles, faire des projets professionnels, etc. Face à elle, les garçons comme Arnaud et ses deux amis, Xavier et Victor, semblent indécis: ils ne savent pas trop quoi faire de leur vie, ils veulent profiter des vacances, s'amuser, rencontrer des filles, Š Victor évoque son projet de partir au Canada, parce que, dit-il: «ici, c'est mort». Mais quand Xavier lui demande finalement «C'est quoi, le but?», Victor s'esquive et s'en va sans répondre. Xavier se tourne alors vers Arnaud en disant que quand Victor partira au Canada, ils resteront seulsŠCet échange traduit bien le peu de perspectives qu'ont en réalité ces garçons. Aucun n'évoque un projet d'avenir un tant soit peu pensé, ni même un désir bien défini.

Photo du filmAinsi, la confrontation de Madeleine avec ces garçons et en particulier Arnaud met clairement en évidence une opposition de convictions (ou de croyances) et de comportements.

Madeleine a une conviction très forte qui lui dicte une conduite très rigoureuse; Arnaud ne semble pas avoir d'idée bien claire sur la vie et le monde et il se laisse «flotter», il suit ses copains, accepte la proposition de Manu de travailler avec lui l'été, entend les conseils de sa mère sans vraiment y réagir. On pourrait dire qu'il est opportuniste et qu'il prend ce qu'il y a à prendre, sans se poser de questions. (Il va d'ailleurs au stand de l'armée qui offre des objets pour attirer les jeunes et les informer des carrières militaires, il en revient avec un matelas pneumatique! Pour flotter sur le lac, sans douteŠ)

Ici, on pourra inviter les participants à définir leurs propres croyances, convictions, idéaux ou valeurs et la manière dont ces idées orientent leurs choix de vie. Il est probable que ces idéaux ne soient pas aussi radicaux que ceux exprimés par Madeleine, mais ils devraient néanmoins pouvoir définir ce qui est important pour eux et définir l'une ou l'autre option pour l'avenir en fonction de ces idées.

Prolongement : le survivalisme

À Manu (le grand frère d'Arnaud) qui lui demande à quelle fin de monde elle s'attend, Madeleine répond qu'«il y a le choix pour tout foutre en l'air». Elle énumère alors les menaces qui pèsent sur l'humanité (dérèglement climatique, guerres de religion, émeutes de la faim, sécheresse, basculement des pôles, centrales nucléaires qui explosentŠ)

Photo du filmLa pensée de Madeleine peut s'apparenter au «survivalisme»: une idéologie basée sur la croyance qu'une catastrophe de grande ampleur, une sorte d'écroulement du monde va se produire dans un futur plus ou moins proche.

Ce courant est apparu après la Deuxième Guerre mondiale[1]: les bombes atomiques lancées sur le Japon et ensuite la guerre froide ont été ressenties comme des menaces inégalées auparavant. Le monde occidental a alors été perçu par certaines personnes comme beaucoup plus fragile qu'il paraissait et comme susceptible d'être détruit. Ces personnes ont alors imaginé qu'elles devraient survivre dans un monde dont la civilisation aurait disparu.

Aujourd'hui, le survivalisme a toujours cours, dans la mesure où l'on connaît une «ère de fins»: disparition d'espèces animales et végétales, fin annoncée du pétrole, fin de la prospérité économique, etc., autant de signes inquiétants qui alimentent un pessimisme généralisé.

Pour se préparer à cette extrémité, les survivalistes étudient des techniques de survie, cherchent à mettre au point des équipements spéciaux, font des réserves de produits de première nécessité, etc.

Ces croyances de fin du monde civilisé sont notamment illustrées et entretenues par le cinéma, la bande dessinée ou la littérature[2] et relèvent largement du fantasmeet de la paranoïa. Le monde peut certainement s'écrouler quand se produit un accident nucléaire, un séisme de grande ampleur, ou toute autre catastrophe de grande envergure mais «ce monde» est toujours circonscrit à une zone plus ou moins grande et ne concerne jamais la terre entière.

Photo du filmLe survivalisme conçoit la survie comme l'autonomie de l'individu dans des conditions extrêmes où tout manque: il s'agit alors essentiellement de pouvoir se nourrir et se défendre.

Il en résulte une dimension ultra-individualiste (qui est aussi celle de Madeleine: «chacun sauve sa peau» répond-elle au lieutenant lors de l'exercice de stratégie) où l'autre est perçu comme une menace. Il n'est pas question de partager avec quelqu'un qui ne fasse pas partie du cercle des intimes. Et même, il faut se défendre contre l'autre qui représente une menace. Aussi les armes font-elles généralement partie de l'équipement du survivaliste.

Il s'agit donc d'une idéologie de droite, voire d'extrême droite, où l'idée de solidarité est complètement exclue[3].

On notera que le film donne tort à Madeleine puisque elle se met en danger elle-même, par excès de confiance pourrait-on dire, en mangeant la viande (et les os!) du renard auquel Arnaud, lui, ne veut pas toucher. Ensuite, Arnaud la secourt en la portant jusqu'au village où finalement ils seront pris en charge, par les pompiers selon toute vraisemblance. Enfin, Madeleine sera soignée à l'hôpital. Ainsi, c'est la solidarité, qu'elle soit spontanée comme celle d'Arnaud ou institutionnalisée avec la protection civile et l'hôpital, qui sauve la vie de Madeleine.

On notera encore qu'une forme de survivalisme, plus récente et marquée à gauche, envisage la fin du monde capitaliste: sous cet angle, le survivalisme consiste à pouvoir subvenir à ses besoins, et correspond davantage à un authentique retour à la nature.

On pourra inviter les participants à faire des recherches sur le survivalisme sur l'internet en essayant de dégager quelles menaces sont perçues, quelles techniques sont développées, mais aussi quelles valeurs sous-tendent cette idéologie. Un groupe pourrait faire cette recherche sur base des images relatives au survivalisme, un autre pourrait s'attacher à des blogs tenus par des survivalistes et un autre encore sur des sites d'information «neutres».


1. On trouve néanmoins des précurseurs comme René Barjavel avec son roman de science-fiction, Ravage, publié en 1943, où il imagine une société hautement technique soudain privée d'électricité.

2. Au cinéma, pensons par exemple à La Route, de John Hillcoat (2009, adapté d'un roman de Cormac McCarthy), Mad Max de George Miller (1979), Waterworld de Kevin Reynolds (1995), Le Jour d'après de Roland Emmerich (2004)Š

3. La pensée de Madeleine se traduit aussi dans une scène anodine. Dans le train, Madeleine dit à Arnaud: «On va s'arrêter dans tous les bleds de France. Elle sert à rien cette gare, y a personne qui monte!» Cette réflexion correspond bien à un «tournant à droite» des autorités publiques ou semi-publiques qui privilégient la rentabilité au détriment du service aux personnes. Ainsi, les sociétés de chemin de fer ont tendance à fermer les «petites» gares et diminuer le trafic des lignes les moins fréquentées, pour faire des économies, mais en laissant du même coup un certain nombre d'usagers sur le carreauŠ

 

Photo du film


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