Après Un monde, Laura Wandel plonge dans l’urgence d’une unité pédiatrique. À travers le personnage de Lucy (impressionnante Léa Drucker), infirmière en cheffe confrontée au cas d’un enfant malnutri et de sa mère stigmatisée, le film interroge la capacité de l’hôpital public à réellement servir l’intérêt des plus fragiles
Dès l’ouverture du film, la caméra se cale juste derrière le dos de Lucy (Léa Drucker), l’infirmière en cheffe d’une unité pédiatrique, lancée dans les couloirs d’un service en ébullition. Lucy a la quarantaine, peut-être plus, elle a la démarche solide et franche, forgée par l’expérience. Elle passe d’une chambre à l’autre avec assurance, règle fermement les petites contrariétés tout en faisant preuve de douceur quand la situation l’exige. Elle sait les qualités que nécessite la relation à l’enfant, envers celui-ci, mais aussi envers ses parents.
Ce soir-là, un cas l’inquiète particulièrement : celui d’Adam, un garçon de 4 ans admis pour cause de malnutrition et qui n’accepte de manger qu’en présence de sa maman. Une mère pourtant épinglée par les services sociaux comme responsable des maux de son fils. Intimement persuadée qu’Adam ne pourra se rétablir qu’aux côtés de sa mère, Lucy tente d’en convaincre sa hiérarchie. Mais jusqu’où est-elle prête à aller pour assumer cette conviction ? Et qui, dans cet imbroglio administratif et humain qu’est l’hôpital aujourd’hui, peut réellement prétendre agir dans l’intérêt d’Adam ?
Fidèle à la mise en scène fébrile et proche des corps qu’elle avait expérimentée dans Un monde, Laura Wandel immerge le spectateur à l’intérieur même de l’action, dans l’effervescence nerveuse d’un hôpital qui tourne à plein régime. L’unité pédiatrique, au même titre que tous les services publics impliqués dans l’histoire, fonctionne à flux tendu, et cette urgence déborde de chaque plan, de chaque mouvement de caméra, palpite au cœur même de l’image.
Le suspense que le film installe progressivement — parce que dans un tel chaos humain rien ne peut se passer comme prévu — tient tout entier dans l’épuisement collectif qu’il déplie sous nos yeux. L’épuisement de cette infirmière qui manque de ressources pour exercer son métier avec dignité, l’épuisement de cette jeune mère isolée dont la détresse a certainement échappé aux radars de son entourage, puis, l’épuisement de cet enfant, dont la fragilité physique et psychologique devient l’enjeu même de cette frénésie sociale et médicale.
Ce que semble nous susurrer le film — ou plus justement nous crier — au-delà de ses 72 minutes de pure tension, c’est l’urgence qui existe aujourd’hui d’améliorer les conditions de travail et d’accueil de l’hôpital public. C’est l’évidence que la santé d’une société va de pair avec les moyens qu’on lui octroie pour la soigner.
Alicia Del Puppo, les Grignoux
Présentation par Laura Wandel, réalisatrice, Léa Drucker, Anamaria Vartolomei et Jules Delsart, acteur·rices
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