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Bande-annonce
affiche du film Les Baronnes
  • Avant-première

    Le 28/11/25 à 20:00

    Les Baronnes

    Seize ans après Les Barons, comédie généreuse et atypique sur des jeunes de banlieue, Nabil Ben Yadir revient à Molenbeek. Cette fois, ce sont les grands-mères qui s’émancipent par la pratique du théâtre. Inventif et émouvant !

    Fatima, 65 ans, découvre que son mari a depuis une dizaine d’années une double vie au Maroc et voit son monde s’effondrer. Furieuse et décidée à ne pas se laisser faire par le destin, elle choisit de reprendre sa vie là où elle l’avait laissée 50 ans plus tôt, quand elle devait jouer Hamlet. Fatima et ses meilleures amies, Mériem, Romaissa et Inès, trois autres grand-mères de Molenbeek, vont prendre une décision qui va bouleverser leurs vies, celles de leur entourage, de leur quartier, de tout le pays…

    En 2009, Nabil Ben Yadir crée la sensation avec un premier long métrage, Les Barons, comédie générationnelle autour d’un groupe de jeunes de Molenbeek qui apporte un réel vent de fraîcheur dans le cinéma belge, loin des clichés, avec pour couronnement un carton au box-office, un plébiscite de la critique et le statut de film culte. Jamais, jusque-là, ce territoire géographique et cette catégorie sociologique de la population n’avaient été mis en lumière avec autant de justesse dans notre cinéma.

    Aujourd’hui, après trois autres réalisations dont Animals, une évocation courageuse par sa radicalité du meurtre d’Ihsane Jarfi, Nabil Ben Yadir et sa mère, Mokhtaria Badaoui, ne proposent pas vraiment une suite aux Barons, plutôt un contre-point féministe et plus sentimental encore. Raconté comme un conte, Les Baronnes fait l’éloge de la sororité, du sens du collectif, du combat des femmes pour leur indépendance et leur émancipation, en l’occurrence des seniors.

    Les cinéastes construisent leur histoire sans aucune volonté de dramatiser les situations, rien n’étant didactique ni formaté dans leur écriture. Ils filment essentiellement le caractère merveilleux de la vie d’un groupe d’êtres humains heureux de produire quelque chose de fort ensemble. En cinéastes sensibles, ils révèlent aussi ces femmes dans l’intimité de leur solitude inquiète. Ils filment les répétitions théâtrales, ces moments de bascule durant lesquels ces femmes puisent au plus profond d’elles-mêmes pour construire leur rôle de composition, avec la douleur que cela peut faire ressurgir, tant la plénitude que requiert l’incarnation d’un personnage autre que soi n’est pas simple à atteindre. Ils s’intéressent aussi à la vulnérabilité physique de ces êtres au cœur fragile, à leur recherche d’affection et d’amour. Cette collision entre le plaisir et la mélancolie touche juste.

    Les Baronnes célèbre l’art, ce socle essentiel à toute société démocratique. Ce n’est pas un hasard si, dans le film, une séquence édifiante confond la bêtise et la vulgarité d’un homme politique qui, sur un plateau de JT, critique la création artistique subventionnée. Moment fort d’un film qui sait sortir ses griffes quand il le faut pour dénoncer ce type de parole aux relents populistes nauséabonds.

    Avec Les Baronnes, Nabil Ben Yadir confirme aussi qu’il est un cinéaste sensible à l’idée que l’outil cinéma reste une machine à faire rêver, dont les potentialités sont illimitées quand on possède un brin d’imagination, de débrouillardise et d’audace. Il saupoudre son histoire d’une poésie au charme et à la simplicité assumés qui renvoie, par exemple, à l’univers de Michel Gondry (Eternal Sunshine of the Spotless Mind) : des sms qui prennent la forme de nuages se posant au-dessus de la tête des personnages, le corps de Fatima qui se glisse littéralement au cœur de l’écran d’un ordinateur pour voyager, etc. Il y a dans cette approche bricolée et ludique des effets spéciaux la marque d’un cinéaste inspiré par un réalisme magique très belge.

    Les Baronnes est un film chaleureux et émouvant, inscrit dans son époque, qui se veut léger et inquiet, délicat et mélancolique, car rien ne peut aller en ligne droite dans le trajet d’une vie. Un conte connecté au réel, qui bat au rythme du cœur de ces héroïnes du quotidien qui, à plus de 60 ans, savent qu’il n’y a plus de temps à perdre, alors autant y aller à fond. Comme dirait Hamlet : « Être ou ne pas être. »

    NICOLAS BRUYELLE, les Grignoux

    En présence de Mokhtaria Badaoui, réalisatrice, et Nabil Ben Yadir, réalisateur

    Places prochainement en vente en ligne et aux caisses de nos cinémas

    Fiche PDF de l'évènement