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Après Atlantique, la réalisatrice franco-sénégalaise Mati Diop suit la restitution au Bénin d’œuvres d’art spoliées par la France lors des guerres coloniales et signe un documentaire puissant et révélateur sur le sens de l’Histoire, ainsi qu’une profonde réflexion sur l’identité culturelle. Ours d’or au Festival de Berlin !
Novembre 2021, vingt-six trésors royaux du Dahomey s’apprêtent à quitter Paris pour être rapatriés vers leur terre d’origine, devenue le Bénin. Avec plusieurs milliers d’autres, ces œuvres furent pillées lors de l’invasion des troupes coloniales françaises en 1892. Mais comment vivre le retour de ces ancêtres dans un pays qui a dû se construire et composer avec leur absence ?
Le film fait 68 minutes et n’a été tourné que sur une courte période. On y observe de manière très factuelle l’empaquetage minutieux des reliques ainsi que leur déballage, mais aussi l’ampleur de l’événement — historique — célébré par toute une population. Pourtant, derrière l’horizon des faits s’insinue une autre vérité, cachée, sur le mouvement de l’Histoire et les récits qu’elle véhicule dans les imaginaires, selon l’endroit d’où ils sont émis et reçus. Cette réflexion dépasse le cadre strict du Bénin et questionne directement le rapport que nous entretenons à la culture qui nous entoure : quels sont les objets exposés dans nos musées ? Qu’est-ce qu’ils racontent de l’histoire de notre pays, de notre identité culturelle ? Des interrogations qui s’inscrivent directement dans les enjeux philosophiques actuels, tentant de déconstruire les discours dominants pour mieux appréhender notre rapport au monde. Ça pourrait paraître un rien pompeux, trop « intello », si ça n’était incarné par une mise en scène fluide et poétique — qui adopte notamment le point de vue des statues — qui nous laisse voyager à notre aise dans cette réflexion, ouvrant des pistes qu’il ne tient qu’à nous de poursuivre, dans ce dialogue introspectif que nous menons avec le film. Peu d’œuvres sont à ce point spirituellement fécondes, c’est ce qui en fait un superbe objet cinématographique.
ALICIA DEL PUPPO, les Grignoux
