2024-10-15
19:30
Sur papier, ce film allemand intitulé « mourir » — traduction de « sterben » — d’une durée de trois heures aurait potentiellement de quoi refroidir… Pourtant, ce conte cruel qui a reçu l’Ours d’argent à Berlin est l’une des belles surprises de cette rentrée !
Pourquoi allons-nous au cinéma ? Parfois pour se divertir, pour apprendre, pour penser le monde qui nous entoure. Parfois aussi pour s’émanciper des turpitudes humaines qui nous traversent en les regardant agir sur des personnages de fiction. Sterben fait partie de ces films autant jubilatoires que malaisants, cathartiques et désespérants. Mais d’un désespoir qui exalte, qui réconforte presque, et dont seuls les poètes, les artistes, les
vrais archéologues de la vie intérieure ont le secret. Il y est question de mort, de musique, d’interprétation, de relations familiales complètement abîmées, d’enfants devenus adultes névrosés, et aussi beaucoup de ces déjections humaines — littérales et métaphoriques — qu’on désirerait dissimulées, mais qui parfois se déversent sans retenue, provoquant un mélange de honte et de soulagement.
C’est l’histoire d’une famille, les Lunies, dont chaque membre lutte avec ses propres démons, dont l’origine est inévitablement liée au foyer qu’ils ont partagé et que le réalisateur Matthias Glasner décortique avec subtilité et précision. Aucun flashback ici, mais une acuité dans chaque scène et dialogue qui permet de saisir et pénétrer dans l’inconscient de cette famille borderline, tout en comprenant comment celui-ci se répercute sur leurs situations actuelles. On se laisse absolument emporter dans cette chronique familiale, aussi cruelle qu’intelligente et belle. Glasner se révèle un excellent cinéaste de l’introspection, de l’intimité dans ce qu’elle a de plus obscur. On songe bien entendu à l’œuvre d’Ingmar Bergman qu’il cite explicitement. C’est un film dont on ressort paradoxalement revigoré, presque prompt à s’y replonger, à vibrer avec lui une seconde fois.
ALICIA DEL PUPPO, les Grignoux
