Contrairement à ce que son titre laisse supposer, le nouveau film de Pierre Schoeller (réalisateur de L’Exercice de l’État) n’est pas un biopic sur le célèbre peintre hollandais, mais un thriller dramatique stimulant et ambitieux dans lequel une scientifique se heurte à une profonde crise spirituelle
Claire (Camille Cottin) et Yves (Romain Duris), physiciens de formation, travaillent dans le nucléaire depuis toujours. Lors d’une visite à la National Gallery de Londres, Claire va être bouleversée par trois toiles de Rembrandt. Cette rencontre avec ces trois œuvres magistrales va les changer à jamais...
Voici un film qu’on aimerait suggérer à la plupart de nos responsables politiques. D’abord, parce qu’il met en scène une ingénieure chargée de développer la construction de plusieurs centrales nucléaires et qui, à l’aube d’un siècle annonçant son lot de catastrophes climatiques, se questionne sincèrement sur le sens de sa mission. Mais aussi parce que ce questionnement, somme toute profondément humain, surgit lors d’une visite dans un musée. Comme si l’art, chargé d’un pouvoir magique et sacré, lui révélait une vérité qu’elle ne pourra dès lors plus dénier.
Que le scénario, subtil et énigmatique, parvienne à entremêler ces deux discours (d’un côté, une rationalité scientifique, de l’autre, une dimension métaphysique et spirituelle) relève d’une prouesse d’écriture que seul un cinéaste érudit et expérimenté comme Pierre Schoeller pouvait accomplir. Cette dualité — peut-être illusoire — entre l’art et la science traverse également la mise en scène et l’image du film : les réminiscences picturales des œuvres de Rembrandt continuant d’imprégner le cadre bien au-delà de la National Gallery.
Irrigué d’un certain mystère, d’une inquiétude latente qui peut parfois dérouter mais toujours pour mieux stimuler nos esprits, Rembrandt est un long métrage ambitieux, animé par de nombreux enjeux (de société et autres) qui, chacun à leur façon, finissent par trouver leur cheminement au sein du récit, et au-delà, dans ce qu’ils évoquent. Mais ce que le film a de plus troublant demeure enfoui dans le regard profond de cette scientifique qui, tout à coup, observe le monde autrement et ressent ce qu’il a de plus secret, de plus précieux. On se souviendra longtemps du magnifique plan final, révélateur et significatif, qui agit sur nous comme une véritable épiphanie.
Alicia Del Puppo, les Grignoux