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L’épopée américaine de Jacques Audiard… Le réalisateur quitte le territoire français pour les plaines de la Californie et signe un western lumineux où Joaquin Phoenix et John C. Reilly interprètent deux frères tueurs à gage légèrement en bout de course. Prix de la mise en scène au festival de Venise 2018
Soit Eli (J. C. Reilly) et Charlie (J. Phoenix) Sisters, deux hommes de main un peu usés par le métier. Élevés dans la violence par un père fou à lier, ils n’ont jamais craint ni les coups ni la baston. Et quand ceux-ci sont mandatés pour un règlement de compte, autant dire que rien ne résiste à leur passage.
Charlie est la tête dure du duo. Il veut toujours plus : plus de sang, plus d’alcool et plus de femmes. Il fonce tête baissée dans chaque nouvelle mission. Eli, quant à lui, est fatigué de cette routine barbare, fatigué d’effrayer ses compatriotes alors qu’il aspire à plus de douceur, comme trouver une femme et vivre paisiblement à ses côtés. Mais ce n’est pas ce que le monde a prévu pour lui et, à l’heure actuelle, il a plutôt intérêt à rester sur ses gardes et rattraper les débordements de son frère.
Leur aventure prend racine dans le contexte de la Ruée vers l’or et quand nous les rencontrons, les deux frères, missionnés par leur patron, le Commodore, sont sur les traces d’un certain Hermann Kermit Warm (Riz Hamed), un chimiste ayant trouvé la formule magique permettant de trouver le précieux métal.
L’homme n’est pas si facile à trouver et dans cette tâche, ils sont aidés par le détective Morris (Jake Gyllenhaal), un intellectuel pompeux qui a toujours une longueur d’avance sur eux et une fâcheuse tendance à les exaspérer en leur laissant des missives ampoulées pleines de consignes à respecter – et ces deux-là n’aiment pas qu’on leur dicte leur conduite…
Jacques Audiard nous a habitués à des univers masculins, sombres et violents. Il trouve dans cette adaptation du roman de Patrick deWitt (même auteur que De rouille et d’os), un cadre idéal pour déployer toute une série de motifs qui lui sont familiers : personnages à la virilité contrariée, traque ininterrompue au cœur de la nature et scènes d’actions à l’ancienne où fusent les coups de pistolets. Mais, épaulé par ces acteurs américains, il parvient toutefois à dépasser l’horizon du western classique – genre dont il a d’ailleurs superbement intégré les codes – pour tendre vers un ailleurs qui fait toute la modernité du film.
L’aventure des deux frères, avec leur dégaine de bras-cassés, prend une tournure tantôt comique, tantôt pathétique, rappelant les anti-héros qui peuplent les films des frères Coen. À côté de la ligne droite qui dicte leur trajet mais aussi, dans une certaine mesure, leurs comportements, on est heureux de voir s’élever d’autres lignes de fuites : leur doute face à une destinée toute tracée, l’évocation d’un monde meilleur et le désir de retrouver la tranquillité, l’équilibre d’un foyer.
Alicia Del Puppo, les Grignoux
