Pamela est Rom, jeune, insolente et ne peut se résoudre à suivre une vie qui semble toute tracée. Elle part donc chercher un incertain avenir en Belgique… Marta Bergman signe un premier film sensible qui puise son réalisme dans une précision documentaire tout en s’autorisant des envolées poétiques, presque romantiques. Sélectionné à l’ACID à Cannes 2018
Pamela, qui vit avec sa grand-mère et sa fille dans une petite maison de la campagne profonde de Roumanie, lutte jour après jour contre la monotonie du quotidien et la succession des soirées, autour d’un feu ou devant la télé. Un jour, tenaillée entre sa jeunesse, sa fille et ses rêves de liberté, Pamela la vend, cette télé, et elle part. Convaincue que son avenir est ailleurs, un ailleurs forcément plus loin et plus rose que le terrain de foot enneigé à la sortie du village, elle saute dans un avion et, d’un cadre à l’autre, devient l’une de ces filles de l’Est parties se marier à l’Ouest. Elle s’en va direction la Belgique, où l’attend Bruno, célibataire endurci rencontré via une agence matrimoniale.
Piloté par un trio de femmes – la réalisatrice, l’actrice et la productrice –, Seule à mon mariage pourrait hâtivement être qualifié de « film de femmes ». Ce serait se méprendre sur la portée de ce film qui, à l’instar de son héroïne, ne cesse de nous surprendre.
C’est qu’avec ce premier long métrage de fiction, Marta Bergman exploite à merveille l’énergie vitale déployée par son actrice Alina Serban – pourtant pour la première fois à l’écran – pour inscrire le film dans le réel. La réalisatrice ne rentre pas dans une narration classique, mais prolonge le travail documentaire commencé il y a longtemps avec Un jour mon prince viendra (1997), contant le destin de trois jeunes femmes roumaines cherchant un mari occidental.
Très loin des clichés, semblant suivre naturellement la course de Pamela plutôt que de construire méthodiquement son personnage, la réalisatrice inscrit son film dans une réalité rêvée – la nôtre – où l’Occident et ses mirages continuent de fasciner ceux qui n’y vivent pas.
L’arrivée en Belgique de Pamela met parfaitement à jour ce fossé qui oppose son monde à celui de Bruno. Ce dernier, un flamand installé en Wallonie, est étonnamment incarné par un Tom Vermeir aux antipodes du personnage qu’il incarnait dans Belgica : insondable, distant, on devine directement que sa vie à lui n’est pas guidée par ses rêves. Et c’est bien de cela dont nous parle le film, des rêves : de ceux désabusés de Bruno, de ceux qui transportent Pamela, et de la matière dont tous sont faits.
GAUTHIER JACQUINET, LES GRIGNOUX