Ce film est disponible également en matinées scolaires à Namur
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Martin Provost (à qui l’on doit l’émouvant Séraphine) plante son décor dans une école ménagère française et raconte la libération féminine, née sur les braises de mai 68. Une comédie politique iconoclaste pleine de maîtrise, aussi farceuse que terrifiante
Paulette Van Der Beck est droite dans ses bottes, le sens de la discipline et de l’ordre érigé en vertu cartésienne. Tenir son foyer et se plier au devoir conjugal sans protester, c’est ce qu’elle enseigne avec ardeur dans sa petite école professionnelle pour futures ménagères, dans un village d’Alsace. Son mari, qui est le patron du lieu, passe surtout son temps à regarder les jupes des jeunes étudiantes et à feuilleter son calendrier « olé olé » planqué dans le tiroir du bureau. Cette école symbolise cette France pré-mai 68 qui sent le renfermé, engoncée, fermement, dans sa vision conservatrice de la société. On y donne un enseignement strict, où les femmes sont vues comme inférieures aux hommes qui gardent toute la gestion de la chose publique, comme si cela coulait de source. Heureusement, ça va barder !
Que l’on repense à Séraphine, Violette ou à Sage-femme, les films de Martin Provost parlent en quelque sorte de l’émancipation féminine, sans être ouvertement politiques, en nous racontant d’abord des destinées dans leur pure dimension romanesque. La bonne épouse est sans doute son film le plus engagé et frontal sur le sujet, derrière un ton humoristique, assez déroutant quand on connaît les films précédents de l’auteur. Martin Provost prend du plaisir à jouer aves les codes du vaudeville et de la comédie franchouillarde. Il nous offre un film cohérent, aussi drôle que terrifiant, qui assume aller très loin dans l’outrance boulevardière, sans sonner faux, tant le plaisir de créer est joyeusement communicatif et le contenu politique jamais occulté.
Pour vous donner une idée du ton, revenons à l'introduction du film. Imaginez Paulette Van Der Beck énoncer sérieusement les sept piliers qui feront de ces étudiantes des ménagères parfaites. Premier énoncé : « La bonne épouse est avant tout la compagne de son mari, ce qui suppose oubli de soi, compréhension et bonne humeur ». Pilier deux : « Une véritable maîtresse se doit d’accomplir ses tâches quotidiennes, cuisine, repassage et raccommodage, dans une abnégation totale et sans jamais se plaindre ». Les autres piliers sont du même niveau et, pourtant, comme on le sait, ce monde que nous dépeint Martin Provost ne date pas du Moyen Âge, mais d’hier, d’il y a moins de cinquante ans…
La bonne épouse est un projet assez culoté, drôlement bien vu, qui a le mérite de synthétiser un discours socio-politique et un pan de notre histoire récente. Cela fait du bien, surtout quand on constate que le vent mauvais du machisme continue à polluer notre air. La réussite du projet doit aussi énormément aux comédiennes, à l’image du trio Binoche-Moreau-Lvovski, dont les personnages existent derrière leur caricature. Ici, la révolution féminine se construit donc sur des bases comiques, ce qui n’est pas la moindre des qualités de ce film résolument euphorique.
NICOLAS BRUYELLE, LES GRIGNOUX