Documents complémentaires au dossier pédagogique
réalisé par Les Grignoux et consacré au film
Le Labyrinthe du silence
(Im Labyrinth des Schweigens)
de Giulio Ricciarelli
Allemagne, 2014, 2h03
On trouvera ici des documents et des analyses destinés à compléter le dossier pédagogique réalisé par Les Grignoux et consacré au film de Giulio Ricciarelli, Le Labyrinthe du silence.
Le premier de ces documents (au format PDF) est un texte de vulgarisation historique qui retrace l'histoire de la destruction des Juifs d'Europe par les nazis en se basant sur des ouvrages de référence (en particulier celui de Raul Hilberg).
Le deuxième document a une vocation plus pédagogique et s'adresse aux enseignants et animateurs qui seraient confrontés à un public de non-spécialistes élevant des objections de nature politique ou morale à l'évocation des crimes commis par le régime nazi.
Enfin, un troisième argumentaire explique pourquoi les thèses des négationnistes des chambres à gaz et, plus largement, du génocide des Juifs ne constituent en rien un travail de recherche historique, et pouquoi leurs pseudo-arguments ne résistent pas à l'ensemble des documents et des témoignages sur cette question. S'il n'est pas possible de résumer ici la masse importante des travaux historiques qui traitent de la politique criminelle du régime nazi, on a essayé en tout cas d'en faire voir, sans dogmatisme ni argument d'autorité, la cohérence, la diversité et les fondements.
Les professeurs d'allemand (langue étrangère) trouveront également quelques extraits des dialogues du film qui pourront être utilisés pour des exercices de lecture et de compréhension de texte.
On trouvera ici un document de synthèse historique (au format PDF facilement imprimable) sur la destruction des Juifs d'Europe. Il a été à l'origine rédigé en complément au dossier pédagogique réalisé par Les Grignoux sur le film de Steven Spielberg, La Liste de Schindler. Il a été ensuite actualisé notamment au niveau de sa bibliographie.
On y aborde notamment les points suivants :
Si d'autres questions restent en suspens ou d'autres informations sont nécessaires, on peut également se reporter au Mémorial de la Shoah et aux questions les plus fréquemment posées avec les réponses qui peuvent y être apportées (également au format PDF).
La mémoire des crimes nazis soulève de nombreuses objections qui sont parfois publiquement exprimées mais qui restent souvent dissimulées parce qu'elles sont notamment facilement suspectées d'antisémitisme. Dans un contexte de discussion en classe ou en situation d'animation, il paraît maladroit de vouloir réprimer de telles opinions, et il convient plutôt d'y apporter des réponses aussi argumentées et précises que possible. Toutes ces objections ne sont d'ailleurs pas illégitimes et méritent surtout des clarifications, sans nier en aucune manière le caractère meurtrier et génocidaire du régime nazi.
Sans prétendre à l'exhaustivité, voici quelques opinions que l'enseignant ou l'animateur pourrait rencontrer :
L'on proposera quelques éléments de réponse, même s'il n'est pas possible de prévoir toutes les remarques qui pourraient être éventuellement faites par les participants.
Bien entendu les textes proposés di-dessous constituent des pistes de réflexion et de discussion qui ne se prétendent pas définitives mais dont l'argumentation essentielle repose sur les valeurs démocratiques de liberté et d'égalité ainsi que sur le respect fondamental des Droits humains universels.
Le nazisme a suscité un important travail historique, d'abord à cause de la gravité des crimes commis qui paraissaient sans commune mesure avec les crimes de masse commis jusqu'alors, ensuite parce qu'une grande partie de cette politique a été cachée volontairement par les nazis : on sait aujourd'hui par exemple que, face à l'avancée des troupes soviétiques, les nazis ont fait déterrer (par des détenus) puis brûler dans de gigantesques bûchers les nombreux cadavres qui avaient été seulement enfouis dans de grandes fosses communes afin de faire disparaître les traces de leurs crimes. Le fait que ces crimes aient été commis au cœur de l'Europe par une nation dont le développement économique, social et culturel était reconnu, explique également l'intérêt que les historiens européens (mais aussi américains) portent à ces événements : au-delà des faits, la question souvent posée est de savoir si ces crimes furent un phénomène exceptionnel propre à un pays ou à un régime, ou s'ils trouvent une part de leur explication dans la nature même des sociétés européennes. Bien entendu, les réponses à cette question varient selon les historiens et philosophes.
Cette attention portée à la période nazie n'est cependant pas exclusive, et la colonisation ou l'esclavage suscitent également d'importants travaux historiques et font actuellement l'objet de nombreuses recherches. Ces travaux n'ont pas nécessairement la place qu'ils méritent dans l'espace public et notamment dans les médias qui obéissent d'abord aux sollicitations du présent (comme les commémorations...) en donnant une image fragmentaire de l'ensemble de l'histoire universelle. Il faut d'ailleurs souligner que la période nazie elle-même a suscité un intérêt variable selon les époques : en France par exemple, le public dans l'immédiat après-guerre s'est surtout intéressé au sort des résistants et des déportés politiques, et ce n'est qu'à partir de la fin des années 1970[b1] que l'accent a été mis progressivement sur le génocide des Juifs; le sort des Tsiganes ou des homosexuels est également resté relativement méconnu jusqu'à une époque récente.
Il serait faux cependant de prétendre que certains crimes de masse sont volontairement et systématiquement négligés ou oubliés. Mais une information correcte - qu'il s'agisse de la colonisation, de l'esclavage, du totalitarisme stalinien ou maoïste, du génocide au Rwanda, de la guerre en Bosnie ou de tout autre événement de même nature - suppose un travail de recherche parfois important pour en saisir la portée (ne serait-ce que le nombre de victimes), déterminer les coupables et les complices, comprendre enfin les « mécanismes » qui ont abouti à de tels événements. S'il ne convient pas de faire de différence entre les victimes assassinées, massacrées, torturées, battues ou humiliées, quelle que soit leur histoire ou leur appartenance communautaire (race, ethnie, religion...), quelles que soient les circonstances où elles ont pu être brutalisées ou mises à mort, tout jugement moral, éthique ou politique suppose que l'on dispose d'une telle information aussi complète que possible.
Si un tel travail prend un certain temps, notre mémoire individuelle ou collective n'est pas étroitement limitée, et il nous est tout à fait possible de prendre connaissance des crimes nazis comme de bien d'autres crimes contre l'humanité commis en d'autres lieux et à d'autres moments, et de porter un jugement moral à leur encontre : notre mémoire ne doit pas être exclusive, et il serait moralement injustifiable de prétendre que certaines victimes auraient moins de « valeur » que d'autres. Et il serait surtout injustifiable de prétendre que certains de ces crimes n'ont pas existé.
De manière générale, il est normal que nous soyons plus sensibles aux torts commis à la communauté à laquelle nous appartenons ou pensons appartenir. Mais la « concurrence des mémoires » entre des communautés qui s'estiment toutes victimes de l'Histoire ne doit pas conduire à opposer des catégories de victimes. Il faut en effet rappeler que l'appartenance à une communauté n'est jamais exclusive et que chacun d'entre nous appartient en fait à plusieurs groupes : on peut être femme, d'origine africaine, descendante d'esclaves et américaine et se reconnaître dans ces différentes identités. Et surtout, nous appartenons tous et toutes à une communauté humaine englobante qui nous impose de reconnaître les crimes commis à l'encontre de différentes communautés spécifiques dans l'Histoire, non pas parce que les victimes appartiendraient à une ethnie, à une religion ou à un groupe social ou politique déterminé, mais parce qu'elles sont ou étaient d'abord et avant tout des êtres humains.
On sait que les Juifs d'Europe constituèrent les cibles principales des persécutions raciales nazies et furent les victimes d'un génocide perpétré en particulier dans des chambres à gaz spécialement construites à cette fin. À l'issue de la Seconde Guerre mondiale cependant, la création en 1948 de l'État d'Israël par des Juifs sionistes venus essentiellement d'Europe à partir de la fin du XIXe siècle et, pour une part d'entre eux, rescapés du génocide, a suscité un sentiment d'agression et d'injustice dans les pays arabes voisins et chez les habitants arabes de Palestine dont un grand nombre (700 000 environ) a été contraint de quitter le territoire du nouvel État. Depuis lors, après plusieurs guerres et des années de révolte palestinienne (au cours de ce qu'on a appelé la première puis la seconde Intifada), les négociations de paix (entamées lors les accords d'Oslo en 1993) piétinent et laissent subsister un très fort ressentiment en particulier chez les Palestiniens.
Au cours de ce conflit prolongé, l'État d'Israël a été à plusieurs reprises accusé d'atteintes aux Droits de l'Homme ainsi que de crimes de guerre avec en particulier un recours démesuré à la force militaire, ce qui a provoqué de nombreuses victimes civiles. Les combattants palestiniens ont quant à eux souvent été accusés de recourir au terrorisme, notamment lors de la vague d'attentats-suicides en Israël au cours de la seconde Intifada (entre 2001 et 2005).
Dans ce contexte, il est difficile d'évoquer les persécutions antisémites perpétrées par les nazis, sans que ne surgisse au cours des débats la question du conflit israélo-palestinien. Plusieurs remarques doivent être faites à ce propos.
Les victimes juives du génocide n'ont évidemment rien à voir avec la situation de l'État d'Israël aujourd'hui. Et les victimes ne sont pas devenues des bourreaux : elles sont mortes assassinées. Reconnaître la réalité de ce génocide, prendre conscience de la gravité de ce crime et de son caractère inédit par son ampleur et les techniques utilisées n'impliquent pas que l'on approuve la politique israélienne ou certains de ses aspects.
Par ailleurs, s'il est patent que l'État d'Israël est responsable d'atteintes aux Droits de l'Homme et de crimes de guerre (la place manque ici pour en évoquer les preuves), la politique israélienne à l'égard des Palestiniens, même si elle est contestable ou condamnable, ne s'apparente en rien à un génocide comme celui perpétré par les nazis : pour rappel, un génocide (notion définie juridiquement en 1944) désigne l'extermination volontaire de l'ensemble d'une nation ou d'un groupe ethnique. Des crimes de guerre comme les bombardements de populations civiles ou des atteintes aux Droits de l'Homme comme la torture - aussi condamnables soient-ils - ne sont donc pas constitutifs d'un génocide. Et il ne saurait être question d'un génocide à l'encontre des Palestiniens.
Une autre confusion à lever concerne l'assimilation de l'ensemble des Juifs dans le monde à l'État d'Israël. Si beaucoup de Juifs en Europe et ailleurs dans le monde ont une relation privilégiée avec Israël (qui se définit comme un État juif), ils ne sont évidemment pas responsables de la politique menée par ses dirigeants : nombre d'entre eux - même s'ils sont sans doute minoritaires - sont en outre critiques à l'égard du gouvernement israélien et de la politique menée à l'égard des Palestiniens. À l'intérieur même d'Israël, plusieurs associations (elles aussi minoritaires) défendent les droits des Palestiniens et dénoncent régulièrement les atteintes aux Droits de l'Homme commises par l'armée ou la police israéliennes.
De manière générale, les injustices commises à l'égard des uns ne permettent pas d'excuser, ni de minimiser et encore moins de nier les injustices commises à l'égard des autres. La défense des Droits humains doit se faire de manière universelle et s'appliquer à tous les lieux, à toutes les époques, à tous les crimes éventuellement commis dans le monde.
Depuis les attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis, les musulmans se sentent régulièrement mis en cause, parfois de manière violente, dans les pays occidentaux. Certains d'entre eux peuvent même percevoir dans l'évocation de l'univers concentrationnaire nazi - une problématique qui semble pourtant n'avoir aucun rapport avec l'Islam - une forme de « privilège » moral accordé aux victimes juives au détriment des musulmans.
On a déjà remarqué qu'il serait absurde de participer à une « concurrence des mémoires » entre des groupes de victimes, et qu'il convient de reconnaître, même s'ils sont d'ampleur et de nature différentes, tous les crimes commis ici ou ailleurs à l'encontre de communautés persécutées pour des raisons de race, d'idéologie, de religion, de sexe, d'appartenance ethnique ou autre.
Il faut certainement reconnaître par ailleurs que les musulmans qui sont minoritaires dans les pays européens (à l'exception du Kosovo et de l'Albanie) sont aujourd'hui victimes de préjugés grandissants qu'on peut qualifier d'islamophobes : cette idéologie consiste à prétendre notamment que la religion musulmane est inconciliable avec la démocratie, qu'elle est porteuse de conceptions « archaïques » (concernant notamment la famille et le statut des femmes) et qu'elle vise à imposer progressivement ou violemment ses normes (la sharia) aux différents pays européens. Cette islamophobie s'alimente bien sûr de la peur suscitée par les actions terroristes menées par différents mouvements islamistes radicaux auxquels sont assimilés abusivement tous les musulmans en Occident et dans le monde. Il est clair aussi que ce mouvement qui prétend ne critiquer que la religion musulmane vise bien plus largement ses adeptes, quels qu'ils soient et quelle que soit la manière dont ils pratiquent ou considèrent leur religion.
De telles réactions cependant restent heureusement minoritaires (même si elles sont inquiétantes), et les musulmans bénéficient évidemment des mêmes droits démocratiques (dont la liberté de culte et de croyance) que les autres citoyens européens (ce qui ne signifie pas qu'ils ne soient pas dans les faits victimes de discriminations diverses). L'idée d'une « guerre de religion » entre juifs et chrétiens d'un côté et musulmans de l'autre se répand néanmoins dans des milieux extrémistes (même s'ils sont opposés).
Il faut dès lors bien souligner qu'il n'y a pas de guerre globale contre les musulmans (ni d'ailleurs contre les chrétiens) ni encore moins de génocide à leur encontre. Ainsi, le conflit israélo-palestinien est d'abord un conflit national portant sur des territoires que les uns et les autres revendiquent : parmi les Palestiniens, il y a notamment une minorité chrétienne qui est victime des mêmes discriminations de la part des Israéliens[b2]. Dans la même perspective, les conflits qui ont ensanglanté le Moyen Orient ces dernières décennies comme la guerre entre l'Irak et l'Iran (1980-88), la guerre du Golfe (1990-91) puis l'invasion de l'Irak (2003) ou la guerre civile en cours actuellement en Syrie ne sont pas motivées par des raisons religieuses mais essentiellement politiques et géopolitiques : si l'on prend en particulier le cas des États-Unis (en 1990 et en 2003), leur objectif - aussi contestable soit-il - n'était pas de tuer ni d'asservir les musulmans d'Irak (ils ont au contraire cherché des alliés parmi les différentes communautés musulmanes d'Irak) mais de renverser un dictateur qu'ils estimaient hostile et néfaste. Cette politique peut être qualifiée d'impérialiste et condamnée comme telle, mais elle n'avait évidemment aucune motivation religieuse. C'est encore plus clair en Syrie où une guerre civile oppose la population (ou certaines fractions) au pouvoir en place : ce n'est que récemment que des groupes extrémistes se réclamant d'un Islam radical ont donné une dimension religieuse à leur combat, leurs principales victimes (les soldats du régime) étant pourtant pleinement musulmanes.
Enfin, et c'est sans doute le plus important, il faut rappeler que la persécution des Juifs par les nazis n'avait pas de motivations religieuses mais bien racistes : c'est parce qu'ils étaient supposés appartenir à la même race que les Juifs ont été déportés et assassinés, qu'ils aient été ou non croyants, qu'ils se soient ou non assimilés aux populations environnantes, qu'ils se soient eux-mêmes ou non considérés comme Juifs. Reconnaître le génocide juif n'implique donc aucune reconnaissance d'un quelconque fait religieux. Et, pour terminer, l'on n'oubliera pas que le nazisme a fait bien d'autres victimes , qu'il s'agisse des résistants, des otages, des Tsiganes, des handicapés mentaux, des populations civiles « slaves », des prisonniers de guerre soviétiques et d'autres, persécutés pour de multiples raisons, notamment raciales.
Le tribunal de Nuremberg destiné à juger les crimes du régime nazi a été mis en place par les puissances alliées (Grande-Bretagne, USA, URSS, France) et s'est tenu de novembre 1945 à octobre 1946 : sans la victoire des Alliés, un tel tribunal aurait été évidemment impossible. Depuis, certains reprochent à ce tribunal (mais également aux procès qui ont suivi notamment en Allemagne fédérale) d'incarner une « justice de vainqueurs » qui oublierait les crimes commis par les Alliés eux-mêmes et qui exagérerait ou même mentirait quant aux crimes commis par les nazis. Dans le pire des cas, ces accusations conduisent à nier implicitement ou explicitement le génocide des Juifs et l'existence des chambres à gaz.
Il n'est pas possible de démonter ici les pseudo-arguments des « négationnistes »[b3], et l'on s'attachera seulement à la notion plus vague de « justice de vainqueurs ».
Il faut d'abord rappeler que l'institution d'un tribunal pour juger les crimes du régime nazi constituait en 1945 une démarche inédite : après la Première Guerre mondiale, les Alliés - France, Grande-Bretagne, États-Unis, Italie... - n'ont pas estimé nécessaire de mettre en accusation les dirigeants allemands et autrichiens (ou ils ont rapidement renoncé à cette idée). En 1945, les crimes commis par les nazis sont tellement nombreux, tellement visibles, et ont fait tellement de victimes que les Alliés jugent effectivement que des crimes d'une telle ampleur ne peuvent pas rester impunis. C'est dans ces circonstances que vont être élaborées des notions juridiques nouvelles comme les crimes contre l'humanité (qui « incluent des actes commis dans le cadre d'une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population civile ») ou le génocide qui vise à anéantir l'ensemble d'une population « en raison de ses origines ethniques, religieuses ou sociales ».
Le tribunal de Nuremberg a nommé ses propres experts, qui ont recueilli une somme de témoignages et de documents permettant ensuite l'inculpation et la condamnation d'un grand nombre de criminels nazis. Depuis lors, de nombreux historiens ont travaillé sur cette période, et ces historiens de diverses nationalités, de convictions religieuses et politiques différentes, travaillant dans de multiples universités européennes (en particulier allemandes) et américaines, ont confirmé pour l'essentiel les preuves apportées par le tribunal. Pour ne donner qu'un seul exemple, les historiens ont pu reconstituer la composition de tous les trains de déportés raciaux (juifs mais aussi tsiganes) partis de France (79 convois emportant plus de 74 000 personnes) et de Belgique (26 convois avec plus de 25 000 personnes) dont on compte à peine 3% et 5% de survivants après la guerre.
Autrement dit, le fait qu'il s'agissait d'une « justice de vainqueurs » n'implique évidemment pas que cette justice ait été mensongère ni que les preuves apportées aient été falsifiées. Au contraire, on peut affirmer que la documentation accumulée depuis 1945 par les historiens comme par les tribunaux de différents pays appelés à juger des criminels nazis a révélé l'ampleur et la gravité des crimes du régime hitlérien.
Cela ne signifie pas que les Alliés ne se soient pas rendus également coupables d'un certain nombre de crimes de guerre comme l'assassinat de soldats (allemands ou japonais) qui s'étaient rendus ou de violences à l'encontre des civils. Si ces crimes n'ont pas été jugés ni à Nuremberg ni ailleurs, ils sont cependant documentés par des travaux historiques nombreux qui soulignent que ces crimes furent parfois très importants mais qu'ils n'ont pas atteint le caractère génocidaire du régime nazi. On ne prendra à ce sujet qu'un seul exemple du côté américain : les bombardements atomiques de Hiroshima et Nagasaki. Même si, du point de vue du droit international de l'époque, la qualification de ces bombardements comme crimes de guerre donne lieu aujourd'hui encore à des discussions, il est difficile de considérer, d'un point de vue simplement moral, que de tels bombardements sur des populations civiles n'étaient pas criminels et particulièrement cruels. Mais on voit cependant plusieurs différences essentielles entre ces bombardements et les crimes nazis les plus graves dont le génocide des Juifs (même si, pour les victimes innocentes, de telles distinctions n'ont aucun sens) : en procédant à ces bombardements, les responsables américains visaient un objectif militaire, à savoir la reddition du Japon, et ils ne cherchaient pas à anéantir la totalité de la population japonaise (dès la capitulation du Japon comme de l'Allemagne, tous les bombardements alliés ont été immédiatement arrêtés). En revanche, le génocide des Juifs ou des Tsiganes, l'assassinat des handicapés mentaux, la persécution des homosexuels et, de manière générale, l'ensemble du système concentrationnaire nazi ne répondaient à aucun objectif militaire et visaient bien - que l'Allemagne gagne ou non la guerre - à anéantir en totalité ou en partie des groupes de personnes civiles qui n'étaient coupables d'aucune faute. Il ne s'agit pas d'absoudre les Alliés de leurs crimes, mais de prendre en compte, comme le fait n'importe quel tribunal, la différence de gravité entre ces crimes et ceux du régime nazi dont l'ampleur, la nature, le caractère systématique sont exceptionnels.
Pourquoi se souvenir du régime concentrationnaire nazi ? Alors que les survivants de cette période disparaissent lentement, ces événements ne doivent-ils pas prendre place dans l'Histoire comme les guerres napoléoniennes, la découverte de l'Amérique ou la chute de l'Empire romain ? Et sommes-nous moralement obligés de nous souvenir de toutes les victimes de l'Histoire depuis l'Antiquité (ou même avant) et dans toutes les régions du monde ? Ou faut-il au contraire accorder une place unique au nazisme par rapport par exemple au massacre de Nankin, au génocide des peuples amérindiens et aborigènes (essentiellement dû aux épidémies et aux famines provoquées par la confiscation de leurs terres ancestrales mais également à des massacres restés impunis), aux violences souvent extrêmes de la colonisation (comme les enfumades lors de la conquête de l'Algérie), au goulag stalinien, au génocide des Arméniens, à la Révolution culturelle maoïste, aux dragonnades sous Louis XIV, aux traites négrières occidentales mais aussi orientales ?[b4]
Chacun répondra individuellement à ces questions, et personne n'est obligé de s'intéresser à l'Histoire ni aux crimes de masse qui la parsèment. Il faut d'ailleurs être conscient que l'attention portée aux victimes de l'Histoire est relativement récente et est liée à la diffusion des valeurs démocratiques dans l'opinion publique qui reconnaît ainsi les injustices commises à l'égard de groupes ou de populations minorisés, dominés, marginalisés, conquis, soumis à un pouvoir arbitraire et meurtrier : il y a cent ou même cinquante ans, à une époque encore imprégnée de nationalisme, l'on préférait célébrer les « vainqueurs », les guerriers, les « héros », les défenseurs de la patrie auxquels tous devaient être reconnaissants. C'est une conception universelle des droits humains qui interdit aujourd'hui de considérer que les atteintes (surtout les plus graves) à ces droits fondamentaux pourraient être niées, oubliées ou négligées au nom de considérations supposées plus « hautes » ou plus importantes (comme la « Civilisation », le « progrès », les « nécessités de la guerre », la « défense de la Foi », la « volonté du Peuple »...).
Si, par conviction morale, l'on entend rendre justice aux victimes de l'Histoire, il convient alors de refuser la « concurrence des mémoires » qui consiste à opposer des communautés et à affirmer les droits supérieurs de l'une au détriment de l'autre, ce qui conduit fréquemment au « négationnisme », c'est-à-dire à dénier l'existence même des torts commis à l'égard d'une communauté supposée « rivale » ou adverse. Si le racisme est souvent à la base des discriminations et des persécutions exercées à l'égard de certaines communautés, il faut sans doute éviter de renforcer par une telle concurrence mémorielle les oppositions entre communautés en imposant en particulier aux individus une appartenance et une identité dans laquelle ils ne se reconnaissent pas nécessairement : les enfants par exemple ne doivent évidemment pas être jugés coupables collectivement des crimes de leurs pères, et les jeunes Allemands ne sauraient être rendus responsables des crimes nazis.
Cela ne signifie pas que l'Allemagne comme nation ne doive pas reconnaître les torts causés à la communauté juive, même si ses dirigeants actuels n'y ont eu aucune part. Une telle reconnaissance, qui peut être difficile à assumer, est sans doute indispensable pour que les communautés, dont les histoires divergent, les unes ayant été abaissées au rang de victimes et les autres s'étant révélées criminelles, puissent continuer à vivre ensemble. En cela, l'Histoire, qui est portée par une exigence de vérité objective (même s'il s'agit d'un idéal qui est, dans la pratique, rarement atteint), est appelée à jouer un rôle de reconnaissance morale, indispensable à l'apaisement des mémoires.
L'histoire cependant est complexe, diverse et difficile à établir. Certaines évaluations sont indispensables mais peuvent prêter à controverse : l'importance des crimes commis - avec des distinctions récentes comme crimes de guerre, crimes contre l'humanité, génocide... -, les intentions supposées à la base de ces crimes - racisme, lutte contre des « ennemis », motivations politiques, simple indifférence...-, les préjudices subis et leurs effets actuels restent souvent difficiles à établir. Dans tous les cas, il est cependant indispensable d'avoir une bonne connaissance historique - ce qui suppose une recherche parfois longue et difficile - des faits avant de poser un jugement moral qui ne soit pas sommaire ni biaisé (notamment par les partis pris).
Si la reconnaissance des torts subis est un enjeu moral incontournable, l'histoire des crimes de masse - qui peut être éprouvante à découvrir - pose encore d'autres questions éthiques sur l'humanité dans ce qu'elle a de plus extrême.
Du côté des victimes, elle interroge la manière dont elles ont pu vivre ou mourir dans des conditions effroyables. Si le courage est souvent évoqué, il faut aussi tenir compte de l'abaissement au sens le plus fort du terme subi par les victimes dans un système comme les camps de concentration nazis, victimes rabaissées comme on dit au rang de bêtes. Un tel état d'abaissement est difficile à penser ou à imaginer, et il faut lire beaucoup de témoignages pour en approcher un tant soit peu la réalité. On n'évoquera qu'un seul point qui mérite une réflexion, à savoir la honte que beaucoup de déportés ont éprouvée au sortir de cette épreuve, alors qu'ils avaient été les victimes d'un système inhumain : seule une analyse psychologique et morale approfondie permet de comprendre un tant soit peu un tel sentiment en apparence paradoxal.
À l'inverse, si la condamnation des bourreaux est générale, les raisons de leurs crimes et les conditions qui ont rendu ces crimes possibles suscitent également d'importantes interrogations. Ainsi, il n'est pas possible de se contenter de réponses sommaires à propos du système concentrationnaire nazi : le racisme par exemple, évident chez les responsables nazis, n'explique pas que de nombreux individus, qui ont pu déclarer après-guerre qu'ils « n'avaient personnellement rien contre les Juifs », aient pourtant participé, parfois directement, à l'extermination des Juifs. Dans la même perspective, on se souviendra que, dans le climat nationaliste d'après-guerre, on a pu imputer la barbarie nazie au caractère supposé discipliné des Allemands (ce qui était oublier bien sûr que de nombreux Allemands ont eux-mêmes été victimes de cette barbarie). Le caractère réducteur d'une telle explication apparaît sans doute facilement aujourd'hui, et le nazisme, qui appartient à l'histoire allemande, se lie de multiples façons à l'ensemble de l'histoire européenne : l'antisémitisme, loin d'être une spécificité germanique, était très largement partagé et entretenu par des fractions importantes de l'opinion publique dans d'autres pays européens comme la France, la Pologne, la Hongrie, la Roumanie... La question se pose alors de comprendre comment cet antisémitisme diffus en Europe a pu se transformer en Allemagne nazie en politique génocidaire.
La réponse à une telle question n'est pas du tout évidente et conserve quant à elle toute son actualité : de telles politiques meurtrières, sans doute d'ampleur différente et visant d'autres groupes de victimes, sont aujourd'hui encore possibles comme en ont témoigné la guerre civile et l'épuration ethnique en ex-Yougoslavie entre 1992 et 95 dans une Europe qui se croyait immunisée contre ce genre de pratiques, ou encore le génocide des Tutsis au Rwanda d'avril à juillet 1994. Si l'on peut espérer que la plupart d'entre nous ne serons jamais confrontés à de telles situations, de tels crimes ne peuvent laisser indifférents, et il faut s'interroger sur les conditions qui les rendent possibles mais aussi sur les différents acteurs - dirigeants, exécutants, témoins... - qui y participent de façon plus ou moins directe.
Encore une fois, l'histoire mais aussi la psychologie et la sociologie, sans donner de réponses définitives ni d'une absolue certitude, permettent en tout cas d'apporter des éléments de réponses, qui ne soient pas naïves, à de telles questions. Et ces questions engagent tous les êtres humains qui refusent de laisser triompher l'injustice où que ce soit dans le monde, et quelles que soient les victimes de ces injustices.
b1. L'ouvrage fondamental de l'historien américain Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d'Europe, publié en 1961, n'a été traduit en français qu'en 1988.
b2. Comme expliqué précédemment, il est faux de prétendre que la politique israélienne à l'égard des Palestiniens ait un caractère génocidaire, aussi critiquable soit-elle par ailleurs.
b3. Seule une secte de pseudo-historiens prétend que les chambres à gaz n'auraient pas existé, malgré les témoignages et les multiples documents nazis qui en attestent. Cette secte, qui se contente de mettre en cause de façon isolée chaque élément de preuve, est évidemment incapable d'expliquer ce que sont devenus par exemple les dizaines de milliers de Juifs déportés de France, de Belgique ou de Hollande, mais aussi les millions de Juifs qui vivaient en Pologne avant-guerre et dans les autres pays occupés.
b4. Tous ces faits sont bien documentés historiquement, et l'on trouvera, si on le désire, de la documentation à leur propos, même si beaucoup restent sujets à polémiques.
Ces réflexions s'adressent notamment aux enseignants et aux animateurs qui souhaitent aborder l'histoire du génocide des Juifs avec un public d'adolescents et d'adultes non-spécialistes. Elles devraient leur permettre de répondre - au moins en partie - à ceux ou à celles qui pourraient être sensibles aux pseudo-arguments des négationnistes de la shoah. L'ensemble de ce texte est également disponible au format PDF facilement imprimable.
Les « négationnistes » qui se sont manifestés à partir des années 1970 ont focalisé toute leur attention sur un seul point : l'existence des chambres à gaz dans les différents camps nazis et en particulier à Auschwitz. Leur argumentation - mais il s'agit plutôt d'une pseudo-argumentation - reprend toujours les mêmes thèses essentielles à savoir : il ne serait « scientifiquement » pas possible de gazer des personnes avec du Zyklon B, il n'y aurait pas de « preuves » de l'existence des chambres à gaz (qui ont été détruites ou modifiées peu après la Libération), et tous les témoignages à ce propos seraient contradictoires et sujets à caution, c'est-à-dire mensongers, soit parce qu'ils auraient été obtenus sous la torture (dans le cas des responsables nazis), soit parce qu'ils seraient intéressés (dans le cas des victimes survivantes).
Il ne sert pas à grand-chose de démonter ces pseudo-arguments - même si nous le ferons en résumé à la fin de ce texte - car les négationnistes s'attaquent après toute réfutation à d'autres détails dont ils s'acharnent à montrer l'inconsistance ou les incohérences. Il est en revanche important de montrer qu'ils ne font pas un travail d'historiens et que leurs discours n'ont pas de valeur historique. Mais, pour cela, il faut comprendre ce qu'est le travail historique.
Les historiens ne se contentent pas d'établir, sur base de documents ou de témoignages, des faits ou des dates de manière isolée - par exemple, « Christophe Colomb a découvert l'Amérique en 1492 », comme on l'enseigne à l'école -, et ils inscrivent chaque événement dans un contexte historique dont la cohérence générale permet de valider les différents éléments : l'expédition de Christophe Colomb prend place dans l'histoire des « grandes découvertes » antérieures (de Henri le navigateur à Vasco de Gama), et a été rendue possible par l'accumulation de connaissances maritimes (la construction de caravelles capables d'affronter la haute mer) et scientifiques (qui ont permis à Colomb de savoir que la terre était « ronde »)... L'existence d'un fait isolé - événement, personnage... - peut toujours être contestée ou simplement interprétée de manière contradictoire, mais l'ensemble des événements permet non seulement d'attester de la vraisemblance de faits précis mais surtout de les expliquer : Colomb disposait ainsi d'instruments de navigation - la boussole, le quadrant, le sablier - qui lui ont permis de s'orienter sur l'océan et de mesurer (de façon approximative) la distance parcourue, puis de refaire le même chemin par la suite.
C'est ce travail historique que ne font pas les négationnistes lorsqu'ils considèrent les chambres à gaz de manière isolée sans analyser l'ensemble de la politique nazie. Or, il faut, pour comprendre l'existence des chambres à gaz, prendre en considération au moins trois séries d'événements à la fois bien attestés et d'une grande cohérence, à savoir :
C'est le croisement de ces différentes séries d'événements qui permet de comprendre l'utilisation, dans des centres d'extermination spécialement construits à cet usage, de chambres à gaz pour exterminer les populations juives d'Europe mais également d'autres déportés (comme les Tziganes ou les prisonniers épuisés et devenus incapables de travailler, surnommés les « Musulmans »). Ce sont ces trois « logiques » qu'on va à présent décrire rapidement.
On ne retracera pas ici l'ensemble des mesures politiques prises à l'égard des Juifs par les nazis, et l'on insistera sur leur caractère de plus en plus radical, violent et finalement meurtrier, qui s'explique notamment par l'entrée en guerre de l'Allemagne (sur laquelle on reviendra).
Entre 1933 et 1939, alors que la guerre n'est pas encore déclenchée, les nazis essaieront d'isoler les Juifs allemands (puis autrichiens) du reste de la population, de les priver de leurs droits, de les dépouiller de leurs biens et de les expulser. Ces expulsions se heurteront cependant à de nombreuses difficultés, en particulier au fait que les autres pays sont réticents à accueillir une grande masse de réfugiés.
Avec le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale en septembre 1939, de nouvelles communautés juives - dont celle très importante de Pologne comptant plus de 3 millions de personnes - passent sous la domination des autorités nazies. Celles-ci commenceront par appliquer le même type de mesures qu'en Allemagne mais en prendront de nouvelles beaucoup plus brutales, à savoir regrouper les Juifs en Pologne dans des ghettos fermés, surpeuplés, où les conditions de vie vont très rapidement se dégrader : disette puis famine, maladies vont conduire à la mort des milliers de personnes (10 % de la population du ghetto de Varsovie meurt au cours de l'année 1941).
Ces faits sont largement attestés non seulement par des témoins directs mais également par de multiples documents (notamment photographiques) établis par les autorités allemandes elles-mêmes. Ce sont elles par exemple qui décident qu'un Allemand doit disposer de 2600 calories par jour, un Polonais 700 seulement, et un Juif 184... Les comptes rendus des responsables nazis en Pologne sont encore plus clairs : c'est ainsi que Höppner, un dirigeant SS des territoires incorporés, écrira en juillet 41 que « Cet hiver, nous risquons de ne plus pouvoir nourrir tous les Juifs [des ghettos]. On doit donc peser consciencieusement le pour et le contre et se demander si la solution la plus humaine ne serait pas d'en finir avec ceux des Juifs qui ne peuvent être employés, au moyen d'un système rapide. De toute façon, ce serait plus agréable que de les laisser mourir de faim ». La situation dans les ghettos polonais révélait ainsi la radicalisation de la politique nazie à l'égard des Juifs, dont la mort par la faim, la maladie et les mauvais traitements était considérée comme inévitable.
Plus tard, en juin 41, l'Allemagne nazie envahit l'URSS, et des unités spéciales de la SS et de la police, les Einsatzgruppen, déclenchent à l'arrière du front (dans les territoires récemment conquis) des opérations de tueries mobiles visant en principe les « judéo-bolcheviques ». Au début, ces groupes massacrent avec des armes à feu dans des fossés rapidement creusés aux abords des localités les hommes juifs ainsi que les responsables communistes (en plus petit nombre). Mais rapidement, c'est l'ensemble des populations juives avec femmes et enfants qui seront visées par ces groupes qui passent de localité en localité. Ici aussi, les témoignages sont accablants, qu'il s'agisse des tueurs eux-mêmes (qui se prennent souvent en photos), d'autres soldats allemands venus en simples « spectateurs », de villageois (même s'ils sont tenus à l'écart) ou de quelques rares rescapés. Les responsables de ces groupes de tuerie rédigent en outre des rapports administratifs, transmis à leurs chefs, où ils font le bilan détaillé de leur action. C'est sur base de ces rapports notamment[1] qu'il est possible d'estimer le nombre de victimes (essentiellement juives) à 1 300 000 personnes (Raul Hilberg). À ce moment, la politique nazie était devenue non seulement meurtrière mais clairement génocidaire, visant des populations entières.
L'action des Einsatzgruppen posait cependant de nouveaux problèmes aux responsables nazis à cause du nombre de témoins mais surtout du comportement des exécuteurs eux-mêmes qui témoignaient de multiples manières (notamment l'alcoolisme) de la difficulté de leur « tâche ». La situation dans les ghettos polonais était également catastrophique avec des risques d'épidémie (qui aurait pu toucher les Allemands eux-mêmes). C'est dans ce contexte que les responsables nazis font procéder à des expérimentations de gazage notamment à Auschwitz (dans la morgue du crématoire[2]) sur des prisonniers soviétiques. Il s'agissait à présent d'exterminer toute la population juive de Pologne. Trois camps d'extermination furent construits à cette fin à Belzec, Sobibor et Treblinka où l'on utilisa du monoxyde de carbone dégagé par des moteurs stationnaires. La population des ghettos fut transférée en train, par vagues successives à partir de mars 42 jusqu'en octobre 43, jusque dans ces centres (d'assez petites dimensions) où ils étaient rapidement assassinés puis enterrés.
Ici aussi, c'est un vaste ensemble de documents administratifs, de témoignages de l'époque ou d'après-guerre, de responsables nazis, de soldats allemands ou de quelques rares rescapés[3], qui permettent de reconstituer l'ensemble de « l'Action Reinhard » qui visait donc à assassiner toute la communauté juive de Pologne, même si les centres d'extermination ont été détruits par les nazis avant la fin de la guerre et les corps déterrés et brûlés pour en faire disparaître les traces. Les noms des responsables de ces camps mais également des gardiens sont connus, le nombre de victimes a pu être évalué sur base notamment des transports ferroviaires, les techniques utilisées ont été largement décrites, les témoins sont multiples et confirment l'ensemble du processus, tel que l'ont à présent établi les historiens.
Et ce que ceux-ci décrivent, c'est donc une radicalisation progressive de la politique nazie à l'égard des Juifs, passant de l'exclusion à la spoliation, à l'enfermement et enfin à l'extermination. C'est précisément l'ensemble de cette politique que les négationnistes refusent d'envisager en se focalisant sur la seule « question » des chambres à gaz, refusant de considérer toutes les étapes de plus en plus meurtrières (notamment avec l'intervention des Einsatzgruppen) d'un processus conduisant à l'assassinat « industriel » dans les centres d'extermination munis de chambres à gaz. Ils sont bien entendu incapables d'expliquer ce que sont devenus les trois millions de Juifs polonais, d'abord enfermés dans des ghettos surpeuplés, puis massivement déportés en 1942 vers les camps de Belzec, Sobibor et Treblinka où l'on perdrait de manière inexplicable leur trace...
Enfin, ce processus meurtrier débouche en janvier 1942 sur la décision (communiquée à la conférence de Wannsee) par les dirigeants nazis de déporter tous les Juifs d'Allemagne et des différents pays occupés, France, Belgique, Pays-Bas, Grèce, Tchéquie... vers les camps d'extermination en Pologne (et pour la plupart vers Auschwitz). Ce sont notamment plus de 70 convois comprenant chacun un millier de personnes environ qui partiront de France, 26 convois qui emporteront plus de 25 000 Juifs de Belgique, plus de 90 convois qui partiront des Pays-Bas avec plus de 100 000 personnes. Parmi ces déportés raciaux, on compte des femmes, des enfants, des vieillards, à qui l'on fait croire à une mise au travail à l'Est... Mais seule une très petite minorité de ces personnes (3 % des déportés de France, moins de 5 % des déportés de Belgique) survivront à la fin de la guerre. Le sort de tous ces déportés, comme celui des Juifs des autres pays européens comme l'Italie ou la Hongrie (dont la plus grande part de la population juive est déportée et assassinée en 56 jours à Auschwitz entre mars et mai 1944), est bien documenté - les historiens ont établi le nombre de convois, reconstitué pour des pays comme la Belgique ou la France les listes nominatives des victimes -, et il ne fait notamment aucun doute pour les historiens que les déportés, qui n'ont pas été immatriculés à Auschwitz (c'est-à-dire qui n'ont pas été sélectionnés pour le camp de travail), ont été directement conduits vers les chambres à gaz. L'histoire complexe de ces chambres à gaz - elles ont d'abord été aménagées dans des maisons isolées transformées en « bunkers » hermétiques, avant qu'une firme spécialisée construise quatre grands « crématoriums » divisés en salles de déshabillage, chambres à gaz et crématoires pouvant brûler des milliers de cadavres par jour[4] - a pu être reconstituée grâce à de multiples témoignages des responsables du camp comme de rares survivants témoins directs des massacres, et surtout à travers une masse de documents administratifs, qu'il s'agisse de la firme Topf und Sohne qui a construit les grands crématoriums ou des entreprises qui ont fourni le Zyklon B, ou de l'administration SS elle-même qui enregistrait soigneusement le nom des déportés admis dans le camp ainsi que les décès.
Nier l'existence des chambres à gaz, c'est non seulement prétendre que des centaines de témoignages sont faux ou mensongers, c'est rejeter des milliers de documents qui démontrent le caractère meurtrier de l'antisémitisme nazi ainsi que l'ampleur de cette politique, et dont certains sont totalement explicites quant à l'extermination elle-même[5], c'est supposer que cette politique génocidaire commencée par les Einsatzgruppen s'est soudainement arrêtée sans raison, c'est surtout rendre incompréhensible la déportation des Juifs - hommes, femmes, enfants, vieillards... - de toute l'Europe vers Auschwitz et les autres centres d'extermination ainsi que la poursuite obstinée de cette traque aux Juifs jusqu'aux derniers jours de l'occupation et de la guerre, c'est enfin nier le sort tragique de millions de Juifs de Pologne et d'ailleurs, enfermés dans les ghettos, brutalisés, affamés et bientôt disparus sans laisser pratiquement de traces... Seule une histoire qui prend en compte l'ensemble des événements bien attestés peut expliquer le rôle déterminant des camps d'extermination et des chambres à gaz dans le destin des populations juives sous la domination nazie : ces camps furent la dernière étape d'un processus de plus en plus violent d'exclusion, de concentration, puis de déportation, et enfin de mise à mort, d'abord par la famine et l'exploitation et ensuite de façon « industrielle » dans le chambres à gaz de l'ensemble des Juifs d'Europe.
Les négationnistes, même s'ils prétendent le contraire, sont le plus souvent mus par un antisémitisme plus ou moins affirmé : nier l'existence des chambres à gaz revient en fait à nier le génocide juif... C'est oublier cependant que le racisme nazi a visé bien d'autres groupes jugés inférieurs ou « hostiles », même si les Juifs furent les principales victimes de ce racisme d'État, et que le sort de ces groupes fut également terrible.
On en évoquera trois différents (même si l'histoire d'autres groupes persécutés mériterait également d'être retracée).
Il s'agit d'abord des Polonais dont le pays est envahi en septembre 1939[6], et qui seront soumis à une occupation particulièrement violente puisqu'on estime qu'environ 3 millions de civils polonais non-juifs ont été tués par les Allemands. On signalera en particulier que les Einsatzgruppen, déjà cités, ont d'abord été déployés en Pologne au moment de l'invasion : disposant d'une liste préparée avant le début des hostilités (das Sonderfahndungsbuch Polen, ou « livre d'accusation spéciale en Pologne »), ils sont chargés d'éliminer toute une série de personnes jugées « hostiles » c'est-à-dire essentiellement des membres des élites sociales, politiques, intellectuelles et religieuses susceptibles de constituer des mouvements de résistance. On estime qu'en six mois ces groupes font au moins 60 000 victimes. La brutalité des exécutions suscite d'ailleurs la colère et le dégoût de beaucoup de soldats et d'officiers de la Wehrmacht qui souhaite « garder les mains propres » en Pologne. Ces crimes, qui sont largement documentés et non contestés, ont donc été décidés par les responsables nazis, avant même le début de la guerre[7], et sont révélateurs du racisme meurtrier qui les animait. L'assassinat de sang-froid de populations entières était donc envisagé dès 1939 et a commencé à être mis en œuvre très tôt (en septembre de cette année) par les nazis.
Un autre groupe de personnes, cette fois de nationalité allemande, doit également retenir l'attention : il s'agit des handicapés physiques ou mentaux. Ces personnes qui résidaient dans des institutions hospitalières étaient considérées par les nazis comme une charge inutile, et Hitler signa en octobre 1939 l'autorisation d'un programme d'assassinat (camouflé sous le terme d'euthanasie) de ces malades jugés superflus. À l'insu des familles, des médecins couverts par l'autorisation de Hitler opèrent alors des sélections dans les hôpitaux et exécutent les malades jugés incurables, inaptes au travail et improductifs. Plus de 70 000 personnes seront ainsi exécutées entre 1939 et 1941, la majorité des victimes étant assassinées dans six chambres à gaz de petites dimensions avec du monoxyde de carbone. Cette opération (surnommée T4 après la guerre) était secrète, mais de nombreuses familles ont émis des soupçons à l'annonce de la mort « naturelle » de leurs proches, et l'évêque de Münster, Clemens August von Galen, protestera publiquement contre l'assassinat de ces personnes innocentes, dans un sermon prononcé en août 41 dont le retentissement sera important aussi bien en Allemagne qu'à l'étranger. L'arrêt du programme sera officiellement ordonné le 24 août par Hitler mais se poursuivra à moindre échelle jusqu'à la fin de la guerre.
Ces crimes sont également bien documentés et témoignent du caractère meurtrier du nazisme 8. Ils doivent également être évoqués parce que plusieurs membres du personnel de l'opération T4 d'assassinat des handicapés ont ensuite été employés dans l'opération Reinhard, c'est-à-dire la mise à mort des Juifs des ghettos polonais dans des centres d'extermination dotés de chambres à gaz[9]. Ces transferts sont révélateurs de la cohérence de la politique d'élimination de toutes les personnes jugées inférieures, inutiles ou nuisibles par les dirigeants nazis, et surtout de la radicalisation de cette politique avec le déclenchement puis la prolongation de la guerre. On voit aussi comment des instruments ou des techniques comme les chambres à gaz ont pu d'abord être expérimentés de façon relativement limitée (pour l'assassinat des handicapés) avant d'être réutilisés à une plus grande échelle dans les camps d'extermination en Pologne.
Le troisième groupe dont on évoquera brièvement le sort est celui des « inaptes » dans le camp de concentration d'Auschwitz (mais également dans d'autres camps). Pour rappel, Auschwitz était composé d'un centre d'extermination (avec des chambres à gaz) et d'un énorme camp de concentration : dans celui-ci, les détenus - juifs mais aussi politiques, « asociaux », homosexuels, droits communs... - étaient pour la plupart contraints à un travail épuisant dans des conditions souvent terribles. Beaucoup s'affaiblissaient rapidement, perdant toute leur masse musculaire et bientôt réduits à l'état de squelettes (surnommés les « musulmans »)[10]. Chaque matin, on relève dans les baraquements un certain nombre de morts qui sont emmenés aux crématoires par d'autres détenus, mais les responsables du camp font également procéder régulièrement à des « sélections » (notamment à l'hôpital, le Revier) des « inaptes », en particulier lorsque de nouveaux convois sont annoncés et qu'il faut faire de la place dans le camp. Les détenus ainsi sélectionnés sont, selon les témoignages, soit exécutés par une injection de phénol dans le cœur, soit emmenés dans les chambres à gaz : dans son journal intime, le médecin allemand Johann Paul Kremer exprime notamment l'horreur qu'il ressent la première fois qu'il assiste au gazage (qu'il nomme « action spéciale ») d'un groupe de femmes, des « musulmanes », réduites à l'état de squelettes (alors qu'il a déjà assisté au gazage de deux convois de déportés directement débarqués des wagons mais qui n'étaient pas fortement amaigris)[11]. Ces détenus gazés parce que « inaptes » au travail n'étaient pas nécessairement juifs (même s'il y avait sans doute des Juifs parmi eux). Dans ce cas aussi, les négationnistes se contentent d'affirmer que ces détenus sont sans doute morts de maladie (à cause du typhus constamment invoqué), mais les nombreux témoignages des codétenus, des membres des Sonderkommandos comme de plusieurs responsables du camp prouvent à suffisance que ces personnes ont été emmenées non pas vers une « destination inconnue » pour y être soignées... mais vers les chambres à gaz. Il est clair en effet que, pour les nazis, la vie de ces « inaptes » n'avait pas plus de valeur que celle des Juifs assassinés dès leur arrivée ou des handicapés exécutés sur l'ordre de Hitler ou encore des Tziganes également assassinés en grand nombre[12] à Auschwitz.
Le travail des véritables historiens ne consiste pas à « prouver » l'existence des chambres à gaz - il y a suffisamment de traces, de témoignages et de documents qui en attestent - mais à inscrire ce phénomène, aussi monstrueux soit-il, dans son contexte général pour comprendre notamment quelles en furent les catégories de victimes, pourquoi le sort des uns et des autres fut relativement différent, quelle fut l'attitude des bourreaux et comment cette attitude a pu évoluer au cours du temps et en fonction des réactions des uns et des autres (par exemple avec l'arrêt partiel de l'assassinat des handicapés à cause des protestations en Allemagne même)... C'est bien ce travail historique d'ensemble (même si chaque historien étudie un aspect relativement circonscrit de cet ensemble) qui permet d'expliquer ce que sont devenues les personnes déportées (juives ou non-juives), comment les ghettos de Pologne ont été vidés en quelques mois à l'été 42 de la plus grande partie de leurs habitants, comment aussi la politique nazie a traité l'ensemble des « races » et groupes sociaux jugés inférieurs, nuisibles ou hostiles, d'une façon de plus en plus brutale et meurtrière, comment enfin des milliers d'Allemands ont participé directement ou indirectement à cette politique criminelle ou y ont assisté sans protester ni réagir.
Il convient d'ailleurs de revenir brièvement sur ce dernier point en prenant en considération une troisième « série » historique, à savoir l'entrée en guerre de l'Allemagne.
Page de dessins extraite du Carnet de croquis d'Auschwitz
(Cliquez sur l'image pour obtenir une version agrandie)
Ce carnet fut probablement réalisé en 1943 par un détenu qui a voulu témoigner, au péril de sa vie, des différents aspects du camp d'Auschwitz. Il a été enterré dans les fondations d'un baraquement de Birkenau où il a été retrouvé en 1947. Il est aujourd'hui conservé au Mémorial d'Auschwitz. L'auteur resté inconnu est vraisemblablement mort.
La page reproduite ici est particulièrement significative car elle montre deux types de détenus emmenés vers un crématorium visible en haut, dans le dessin de droite (d'après la forme il s'agit du crématorium IV ou V, la chambre à gaz étant le bâtiment moins élevé devant les crématoires proprement dits dont on voit clairement les deux grandes cheminées).
Sur le dessin de gauche, on reconnaît des détenus squelettiques, des « musulmans » affaiblis qui sont emmenés en camion. Le fait que ce dessin ait été fait sur la même page à côté d'un autre où l'on voit des déportés en bonne forme et en habits civils marqués à l'épaule de l'étoile juive - ils viennent sans aucun doute de débarquer des wagons d'un train - signale clairement que la destination des uns et des autres est la même, la chambre à gaz, même si leur apparence, leurs vêtements et leur forme physique sont très différents.
L'entrée en guerre de l'Allemagne, décidée par Hitler et approuvée par les hauts dirigeants du Reich, a certainement accentué certains traits de la politique nazie : les premières victoires importantes - contre la Pologne puis contre la France même si la Grande-Bretagne continue seule le combat jusqu'en juin 41 - ont certainement fortifié la confiance générale dans le Führer et la croyance en son génie militaire et politique. En outre, en décidant de l'entrée en guerre, Hitler a certainement pensé que l'époque des compromis et des mesures partielles était révolue : dès octobre 1939, il signe, on l'a vu, l'autorisation de procéder à la mise à mort des handicapés. Une telle mesure risquait de heurter une grande partie de l'opinion publique allemande (et c'est pour cela qu'elle est restée secrète), mais l'entrée en guerre justifiait sans doute aux yeux du Führer une décision aussi radicale.
La violence - à savoir l'élimination des ennemis réels ou supposés du IIIe Reich - était inscrite très tôt dans le projet politique du nazisme (et en particulier dans Mein Kampf, le célèbre ouvrage de Hitler publié en 1925), mais le passage des mots aux actes a été progressif, la guerre permettant de franchir une étape décisive en ce domaine : si la « survie » de l'Allemagne était en jeu, comment se préoccuper de l'existence d'individus jugés inférieurs, hostiles ou nuisibles ?
Pourtant, si l'invasion de la Pologne fut très brutale (avec notamment le massacre des élites polonaises par les Einsatzgruppen), l'occupation de l'Europe occidentale (Pays-Bas, Belgique, France...) en 1940 fut d'abord menée dans le respect général des lois de la guerre[14]. En revanche, le déclenchement de l'opération Barbarossa le 22 juin 1941, à savoir l'invasion de l'URSS, allait entraîner un déclenchement de violence inédit.
On a déjà signalé le rôle des Einsatzgruppen qui, à l'arrière du front, massacrent par fusillade les responsables communistes capturés et surtout les populations juives des différentes localités occupées, visant d'abord les hommes adultes puis également les femmes, enfants et vieillards.
Mais cette violence est aussi celle de l'armée, la Wehrmacht qui progresse très rapidement en territoire soviétique et capture des centaines de milliers et bientôt des millions de prisonniers. Beaucoup sont exécutés sommairement au moment de leur capture ou peu de temps après. Les autres sont enfermés dans des camps de fortune, souvent de simples enclos entourés de barbelés sans aucun baraquement, où rien n'est prévu pour leur subsistance. C'est une véritable famine qui règne bientôt dans ces camps, et le froid qui s'installe à partir de l'automne ne fait qu'empirer les choses. En outre, des sélections sont opérées parmi ces prisonniers à la recherche des individus « politiquement suspects » qui sont alors transférés dans des camps de concentration (comme Auschwitz). Deux millions de prisonniers soviétiques meurent ou sont assassinés pendant les six premiers mois de la guerre sur un total de 3,3 millions 15. Et, à la fin du conflit, on estime que c'est 3,6 millions de soldats et d'officiers prisonniers qui seront morts sur un total de 5,4 millions[16].
À cela, il faut encore ajouter la violence exercée contre les civils d'Union Soviétique. Décidés à piller l'ensemble du territoire soviétique occupé, les dirigeants nazis envisageaient froidement dès 1941 d'y organiser une famine générale, ce qui se produisit effectivement, notamment dans les grandes villes[17]. La guerre contre les partisans allait par ailleurs conduire à la destruction de milliers de villages en Biélorussie, à l'assassinat de leurs habitants, à la déportation de milliers de personnes et à la transformation de régions entières en désert. En Biélorussie, plus de 5 000 localités furent ainsi rasées, et, dans plus de six cent de ces villages, la population fut en outre massacrée. On estime que, dans les différentes régions d'URSS, cette « guerre contre les partisans » a fait plus d'un million de victimes civiles (non-juives) assassinées notamment par la Werhmacht pendant les trois années de l'occupation allemande[18]. Enfin, un grand nombre de civils fut également déporté en Allemagne pour servir de main-d'œuvre dans les pires conditions qui soient.
Ces crimes (dont on trouve l'équivalent en France, mais à beaucoup plus petite échelle comme le massacre d'Oradour-sur-Glane) n'ont évidemment pas de rapport direct avec l'existence des chambres à gaz dans les camps d'extermination. Mais ils traduisent la violence de la politique nazie, la brutalité extrême qui s'accélère rapidement (ce que certains historiens appellent la « brutalisation ») dans la conduite de la guerre en particulier à l'Est contre les peuples « slaves » réputés inférieurs, et l'implication des membres de la SS ou de la Gestapo mais aussi de nombreux militaires de la Wehrmacht souvent de haut rang dans cette politique mise en application sur le terrain de façon terriblement meurtrière et sans véritables hésitations.
Le contexte général de la guerre à l'Est, les meurtres de masse qui accompagnent dès le début l'opération Barbarossa, le dédain général pour la vie des peuples « inférieurs » (comme les prisonniers de guerre soviétiques ou les civils slaves), la haine que les nazis expriment contre ce qu'ils appellent de manière confuse l'ennemi « judéo-bolchevique » sont autant d'éléments qui rendent possible une décision comme la déportation de tous les Juifs d'Europe vers des centres de mise à mort équipés de chambres à gaz. Ils expliquent également que ces déportations et ces assassinats de masse aient été accomplis souvent avec zèle par les multiples exécutants impliqués dans ce processus et même qu'ils aient été poursuivis avec obstination jusqu'aux derniers mois de la guerre[19]. C'est tout ce contexte que les négationnistes passent sous silence précisément pour rendre « invraisemblable » le recours à des chambres à gaz pour le meurtre de masse. Si ces chambres à gaz furent effectivement des instruments de mort exceptionnels, si le génocide juif lui-même fut un phénomène unique dans la politique nazie, on voit aussi comment tout un contexte (trop brièvement résumé ici) de violence et de racisme extrêmes a progressivement rendu possibles la décision et la mise en œuvre d'une telle politique génocidaire.
Trois pseudo-argumentsPour terminer, on démontera ici trois pseudo-arguments fréquemment utilisés sur le sites négationnistes. « Ce n'est scientifiquement pas possible »Les négationnistes évoquent fréquemment l'impossibilité d'utiliser du Zyklon B dans les chambres à gaz d'Auschwitz, car les restes de ce gaz très toxique auraient été dangereux pour les gardiens et les membres des Sonderkommandos après l'ouverture des portes, seulement une vingtaine ou une trentaine de minutes après le début du gazage (comme l'indiquent la plupart des témoignages). On ne répétera pas les arguments développés ailleurs concernant la ventilation, l'utilisation de masques à gaz et d'autres détails scientifiques concernant l'absorption par le corps des victimes de l'acide cyanhydrique[20], et l'on rappellera deux choses essentielles. La première est que le Zyklon B fut essentiellement utilisé à Auschwitz et que, dans les autres centres d'extermination, Treblinka, Belzec, Sobibor, Chelmno[21], les chambres à gaz fonctionnaient avec du monoxyde de carbone (fourni par des moteurs). Ce fut également le gaz utilisé lors de l'opération d'assassinat des handicapés en Allemagne. Ici aussi, les négationnistes isolent un élément sans prendre en considération l'ensemble du processus génocidaire. La seconde est que des dizaines de témoignages, ceux des rescapés des Sonderkommandos, ceux des gardiens et des responsables du camp d'Auschwitz, des témoignages d'après-guerre mais également témoignages de l'époque, confirment le même mode opératoire. Quelqu'un peut affirmer qu'une bombe atomique est scientifiquement impossible à réaliser, mais l'abondance des témoignages de personnes qui n'étaient ni physiciens ni ingénieurs - on pense notamment aux survivants des explosions - suffit à nous convaincre qu'une telle bombe a bien détruit Hiroshima et Nagasaki, et aucun argument « scientifique » ne parviendra à contrer cette évidence. Les témoignages sont suffisamment nombreux et concordants (sans même tenir compte de la masse des autres documents) pour prouver à toute personne raisonnable et de bonne foi que les nazis ont bien utilisé du Zyklon B à Auschwitz dans les chambres à gaz. La fiabilité des témoignagesLes négationnistes doivent alors s'en prendre aux témoignages dans lesquels ils repèrent des imprécisions, des contradictions et parfois des erreurs. Il suffit en effet de recueillir les dépositions des témoins d'un même accident de la route pour constater des divergences sur des faits objectifs comme la couleur des véhicules, leur position, les réactions des personnes impliquées. Parfois, certaines personnes sont même convaincues d'avoir vu des choses qui sont manifestement fausses. Cela n'invalide cependant pas totalement les témoignages, et, dans le cas d'un accident, ceux-ci s'accorderont vraisemblablement sur l'essentiel, à savoir qu'il a bien eu lieu, et comment il s'est déroulé. Il faut rappeler à ce propos que les historiens ne considèrent jamais un témoignage seul et qu'ils recueillent un maximum de témoignages mais également de documents de toutes sortes et qu'ils soumettent l'ensemble à une critique sérieuse : c'est bien l'ensemble des éléments ainsi recueillis et analysés, c'est leur cohérence générale qui ont alors valeur de preuve. Les négationnistes ne procèdent pas ainsi: ils isolent un témoignage ou un document, ils y repèrent l'une ou l'autre imprécision, l'une ou l'autre erreur ou contradiction, mais, plutôt que de chercher à l'expliquer contextuellement[22], ils en concluent que tout est faux et qu'il n'a aucune valeur probante... Or aucun document, aucun témoignage, aussi spectaculaire soit-il (par exemple, une photo qui peut effectivement avoir été falsifiée), ne peut prouver l'existence d'un événement passé et donc nécessairement disparu : c'est la concordance d'un ensemble d'éléments aussi nombreux que possible qui permet aux historiens d'affirmer l'existence d'une réalité comme les chambres à gaz. Les négationnistes « saucissonnent » les faits sans prendre en considération l'ensemble de la politique antisémite nazie, ni les multiples crimes commis à l'encontre des Juifs mais également d'autres populations, ni la mise en œuvre de déportations de millions de Juifs à partir des différents pays européens et leur « disparition » - en réalité leur assassinat - dans des camps pourtant bien répertoriés... Une illusion collective ?Les négationnistes se heurtent enfin au fait que l'existence des chambres à gaz est non seulement attestée par un ensemble de témoignages et de documents d'époque, mais a été reconnue par de multiples juridictions, internationales comme le tribunal de Nuremberg institué par les Alliés, mais également allemandes comme les procès instruits dans ce pays à partir de la fin des années 1950 (procès d'Auschwitz à Francfort en 1963, procès de Treblinka à Düsseldorf en 1964 et en 1970 entre autres). En outre, de nombreux historiens de toutes nationalités (allemande, française, israélienne, belge, américaine, britannique...) et de générations différentes ont largement documenté, analysé et étudié les différents aspects de la politique nazie et n'ont jamais remis en cause l'existence des chambres à gaz. Devant cet accord général, les négationnistes avancent en général deux arguments. Selon le premier, la Justice rendue à Nuremberg serait celle des vainqueurs décidés à faire oublier leurs propres crimes (par exemple les bombardements atomiques de Hiroshima et Nagasaki). Mais cet argument ne tient évidemment pas : ce n'est pas parce qu'une Justice est orientée (et elle l'est toujours nécessairement en fonction des opinions politiques et morales des juges) qu'elle est nécessairement fausse. Il y a eu dans l'Histoire des procès montés de toutes pièces (par exemple les procès de Moscou sous Staline), mais le procès de Nuremberg a été mené par les trois puissances alliées (qui avaient des intérêts divergents[23]) avec suffisamment d'indépendance pour établir la vérité des crimes nazis. Les principaux faits établis par ce tribunal ne seront jamais remis en cause ni par d'autres juridictions, ni ultérieurement par les historiens (contrairement notamment aux procès de Moscou dont les principaux accusés furent réhabilités lors de la déstalinisation et dont tout le monde admet aujourd'hui le caractère mensonger). En outre, la Justice allemande poursuivra ultérieurement des criminels nazis ayant en particulier œuvré dans les centres d'extermination. Or quel « intérêt » les Allemands auraient-ils eu d'accuser certains de leurs compatriotes de crimes inexistants ? Et pourquoi des accusés qui n'ont été soumis à aucune forme de torture ni de brutalité dans ces procès menés en RFA auraient-ils admis l'existence de crimes qui n'auraient pas existé ? Enfin, et on l'a déjà dit, les historiens des universités d'Europe et d'ailleurs, qui travaillent de manière approfondie sur cette période, n'ont jamais remis en cause l'essentiel des faits établis par le tribunal de Nuremberg et d'autres tribunaux. Les négationnistes se contentent alors de les traiter de manière péjorative d'historiens « officiels » comme si, en tant que membres d'universités très différentes les unes des autres, et dans des pays éloignés les uns des autres, ils n'avaient aucune indépendance à l'égard du pouvoir politique et d'une quelconque « vérité » d'État. Les négationnistes parlent alors d'une illusion collective qui s'imposerait à tous (sauf à eux-mêmes) comme au XVIe siècle par exemple, quand la croyance aux sorcières était tellement forte que les tribunaux de l'Inquisition ont jugé des milliers d'entre elles et les ont condamnées au bûcher. C'est évidemment négliger totalement la différence d'époques puisqu'alors la chrétienté et ses églises (catholiques et protestantes) imposaient ses croyances et ses dogmes à l'ensemble des populations ainsi qu'aux pouvoirs politiques en place. Or, aujourd'hui, il existe une indépendance (qui n'est sans doute pas absolue) des différents pouvoirs législatif, politique et judiciaire, ce qui explique notamment que la Justice allemande ait poursuivi des criminels nazis alors qu'une majorité de l'opinion publique y était hostile. En outre, les universités et les centres historiques sont également indépendants et mènent leurs recherches selon des critères internes de scientificité (ce qu'on appelle la critique historique) de façon autonome sans interférence des autres pouvoirs. On remarquera d'ailleurs que, dans les pays occidentaux, la liberté de la recherche (mais aussi de la presse) est suffisamment grande pour remettre en cause d'éventuelles « vérités officielles » : les historiens américains ont par exemple largement décrit les crimes commis par leurs troupes pendant la Seconde Guerre mondiale, notamment dans le Pacifique à l'encontre des Japonais, sans que ces historiens ne subissent la moindre pression... [24] Il est donc absurde de penser qu'ils ne pourraient pas travailler avec la même indépendance sur le génocide juif et qu'ils devraient, sur cette question, admettre une « vérité officielle ». * Il faut à nouveau souligner que les négationnistes n'apportent aucune connaissance historique, ils ne recherchent aucun document inédit ni aucun témoignage original sur ce qui s'est passé à Auschwitz et ailleurs : ils se contentent d'argumenter, souvent de manière répétitive, pour « prouver » que les chambres à gaz n'auraient jamais existé... Mais ils ne nous apprennent rien ni sur la politique nazie, ni sur les crimes commis à vaste échelle dans les pays occupés (en particulier à l'Est), ni sur les déportations, ni sur le génocide, ses différentes étapes et ses différentes formes, ni sur les décisions, ni sur les exécuteurs et leurs victimes... Sur toutes ces questions, ce sont les travaux des historiens qui seuls nous permettent de savoir mais aussi de comprendre ce qui s'est passé. |
On n'a retenu que quelques titres en français et facilement accessibles. Les bibliographies de certains de ces ouvrages permettent d'accéder à d'autres ouvrages traitant des différents aspects de la politique criminelle du nazisme (en différents lieux et à différentes époques).
1. Un certain nombre de ces rapports sont manquants, vraisemblablement détruits pendant la guerre.
2. Ce premier crématoire servait à brûler les corps des détenus morts de faim ou d'épuisement. Ce n'est que par la suite que d'autres crématoires de beaucoup plus grande taille (nommés en allemand sous la forme abrégée de Krema) ont été construits à Auschwitz, comprenant des fours crématoires mais aussi des chambres à gaz maquillées en salles de douche (ainsi que des vestiaires de déshabillage).
3. Il s'agit notamment de quelques survivants des Sonderkommandos, ces prisonniers qui étaient retenus pour dépouiller les cadavres, pour les enfouir ou les brûler. Plusieurs d'entre eux ont notamment été interrogés par Claude Lanzmann dans son film Shoah (1985). On peut également lire les témoignages de Rudolf Vbra, Je me suis évadé d'Auschwitz, Paris, Ramsay, 2006, Filip Müller, Trois ans dans une chambre à gaz d'Auschwitz, Paris, Pygmalion, 1980 (le choix du titre français est assez maladroit et ne correspond pas au titre original de Filip Müller : Sonderbehandlung, c'est-à-dire traitement spécial), Shlomo Venezia, Sonderkommando. Dans l'enfer des chambres à gaz, Paris, Albin Michel, 2007, et Chil Rajchman, Je suis le dernier Juif. Treblinka (1942-1943), traduit du yiddish, Paris, Les Arènes, 2009.
4. Le détail du fonctionnement des crématoriums d'Auschwitz est aujourd'hui bien connu. Ainsi, l'on sait que les opérations de gazage se déroulaient rapidement (en une demi-heure à peine), mais le dépouillement des cadavres (coupe des cheveux des femmes, arrachage des dents en or, recherche de valeurs cachées dans les parties intimes) et surtout la crémation des cadavres était des opérations plus longues. Les fours en particulier ont dû être à plusieurs reprises mis à l'arrêt à cause de dysfonctionnements et de surchauffes. Cela explique aussi qu'à certains moments, les responsables aient fait procéder à des crémations à ciel ouvert dans des bûchers improvisés.
5. Les responsables nazis avaient pour consigne de ne pas utiliser dans leurs rapports des termes explicites concernant les meurtres de masse : ainsi la « solution finale de la question juive » (die Endlösung der Judenfrage) a servi à désigner, notamment lors de la conférence de Wannsee, l'extermination des populations juives. Mais, dans un certain nombre de documents, certains responsables enfreignent cette consigne et décrivent exactement de quoi il s'agit. Ainsi, dans une lettre du 29 janvier 1943, le capitaine (SS-Hauptsturmführer) Karl Bischoff écrit à son supérieur le colonel (SS-Oberführer) Hans Kammler : « À l'exception de travaux mineurs, le crématorium II a été achevé par le travail nuit et jour de toutes nos forces disponibles, malgré d'énormes difficultés et un froid intense. Les fours ont été allumés en présence de l'ingénieur en chef Prüfer de la firme Topf und Sohn d'Erfurt, et ils fonctionnent correctement. Le plafond de la morgue n'a pas pu être séché (ausgeschalt) à cause du froid. Cependant, ce n'est pas important puisque la chambre à gaz peut fonctionner correctement (Die ist jedoch unbedeutend, da der Vergasungskeller hierfür benützt werden kann) ».
6. Suite au Pacte germano-soviétique d'août 1939 et aux clauses secrètes qu'il comprenait, l'Est de la Pologne est envahi le 17 septembre par les Soviétiques qui se partagent ainsi le pays avec l'Allemagne (jusqu'en juin 41, où Hitler rompt le Pacte et envahit l'Est de la Pologne puis le territoire soviétique).
7. Dans un discours adressé aux chefs de l'armée allemande le 22 août 1939, Hitler déclare : « Tuez sans pitié ni faiblesse tous les hommes, femmes et enfants d'ascendance ou de langue polonaise. Ce n'est que de cette façon que nous obtiendrons l'espace vital (Lebensraum) dont nous avons besoin. La destruction de la Pologne est notre tâche prioritaire. Notre objectif est l'anéantissement de toutes les forces vitales. »
8. Cf. notamment Götz Aly, Les anormaux : les meurtres par euthanasie en Allemagne (1939-1945), Paris, Flammarion, 2014.
9. En particulier Christian Wirth, commandant du camp d'extermination de Belzec (puis inspecteur des camps de l'opération Reinhard), Herbert Lange, devenu responsable du camp de Chelmno, et Irmfried Eberl, commandant pendant quelque temps de Treblinka.
10. Il faut à ce propos se méfier des photos de la libération des camps prises par les Alliés en avril et mai 45, à un moment où la famine était générale dans ces camps et où une majorité de détenus étaient fortement amaigris sinon squelettiques. Antérieurement, seule une minorité (difficile à estimer) de détenus était réduit à l'état de « musulmans » : la majorité était sans aucun doute affaiblie, amaigrie, épuisée par le travail mais restait capable de travailler au moins pour un temps et ne présentait pas une telle apparence squelettique. Bien entendu, l'état de beaucoup d'entre eux se dégradait rapidement jusqu'à la mort, mais l'arrivée de nouveaux détenus en « meilleure » forme permettait leur remplacement continu. Tout ceci explique que les nazis aient pu faire à plusieurs occasions des reportages de propagande montrant des prisonniers au travail et apparemment en bonne santé : il leur suffisait évidemment de ne pas photographier ceux qui n'étaient pas (encore) complètement affamés... Pour comprendre la rapidité de la dégradation physique des déportés, l'on peut prendre l'exemple du premier convoi de déportés juifs parti de Compiègne le 27 mars 1942 à destination d'Auschwitz. Contrairement à ce qui se passera pour la majorité des convois « raciaux » ultérieurs, tous les détenus sont immatriculés à leur arrivée (aucun donc n'est gazé), mais d'avril à août 1942, en cinq mois à peine, 1 008 des 1 112 déportés mourront d'épuisement, de maladie ou de mauvais traitements. À l'issue de la guerre, on comptera 19 survivants de ce convoi.
11. Le journal de Kremer a fait l'objet d'une longue analyse par l'historien Maxime Steinberg (Les yeux du témoin et le regard du borgne. L'histoire face au révisionnisme, Paris, Les éditions du cerf, 1990).
12. La place manque pour évoquer le sort particulier mais très cruel des Tziganes sous le régime nazi. Plus de 5 600 d'entre eux furent gazés à Auschwitz, et près de 14 000 y moururent de faim, de maladie ou de mauvais traitements. Il faut y ajouter des milliers d'autres victimes en d'autres lieux et dans d'autres circonstances (d'après Guenter Lewy, La Persécution des Tsiganes par les nazis. Paris, Les Belles Lettres, 2003).
13. L'expression est celle de Joseph Goebbels, l'idéologue du régime nazi qui l'utilise en février 1943 après la défaite allemande à Stalingrad. Elle est cependant postérieure au début de l'extermination physique des Juifs qui a commencé à l'été 41 avec l'invasion de l'URSS et qui s'est généralisée avec les déportations qui sont organisées à partir du printemps 42. Les échecs militaires allemands ne sont donc pas du tout la cause du génocide clairement antérieur.
14. Les premières mesures antisémites comme celles dirigées contre les mouvements de résistance allaient rapidement bafouer ce respect des règles élémentaires.
15. Christian Streit, Keine Kameraden. Die Wehrmacht und die sowjetischen Kriegsgefangenen, 1941-1945. Berlin, Verlag J. H. W. Dietz Nachf. 1991.
16. La mortalité baissera lorsque les Allemands s'apercevront qu'ils ont d'importants besoins de main-d'œuvre à cause du prolongement du conflit. Mais le taux de mortalité des prisonniers soviétiques, considérés comme des sous-hommes, restera beaucoup plus important que celui des prisonniers de guerre français ou britanniques.
17. Dieter Pohl, « L'occupation militaire allemande et l'escalade de la violence en Union soviétique » (traduit de l'allemand par Nicole Thiers) dans Occupation et répression militaire allemandes, Paris, Autrement, 2007, p. 41-69.
18. Christian Gerlach, « La Wehrmacht et la radicalisation de la lutte contre les partisans en Union soviétique de 1941 à 1944 » (traduit de l'allemand par Gaël Eismann et Julie Obert), dans Occupation et répression militaire allemandes, Paris, Autrement, 2007, p. 71-87.
19. On rappellera par exemple que, devant l'avancée des troupes soviétiques, les nazis décident d'évacuer les détenus survivants d'Auschwitz en janvier 1945 vers des camps de concentration en Allemagne, lors de ce qu'on appellera les « marches de la mort » : dans un froid glacial, les prisonniers trop faibles meurent sur place ou sont systématiquement abattus par les gardiens. À aucun moment, les nazis n'imaginent qu'ils puissent abandonner ces prisonniers aux Soviétiques.
20. On peut se reporter par exemple en anglais https://www.jewishvirtuallibrary.org/ et en français http://www.phdn.org/
21. À Maidanek, les SS utilisaient aussi bien du monoxyde de carbone (fourni en bouteilles) que du Zyklon B.
22. Une seul exemple parmi beaucoup d'autres. En avril 1944, deux détenus d'Auschwitz Rudolf Vrba et Alfred Wetzler réussissent à s'évader d'Auschwitz (il y a eu beaucoup d'évasions ou de tentatives d'évasion de ce camp mais elles ont le plus souvent échoué), et, parvenus en Slovaquie, ils rédigent un rapport sur le camp, les chambres à gaz et le génocide en cours, rapport qui sera transmis aux autorités alliées par la résistance slovaque. Ils estiment alors le nombre de personnes gazées à 1 750 000, ce qui, on le sait maintenant, est surévalué (on admet aujourd'hui un chiffre de 900 000 gazages sur un total de 1 100 000 morts). Les négationnistes en tirent comme conclusion que ces chiffres sont fantaisistes et que ces témoins sont des affabulateurs sinon des menteurs. Or, il suffit de prendre en considération les circonstances où ce rapport a été rédigé pour comprendre facilement, d'une part, que les témoins n'ont pu faire au camp que des comptages nécessairement approximatifs, et, d'autre part qu'ils ont voulu effectivement « gonfler » de bonne foi ces chiffres : en rédigeant ce rapport, ils voulaient en effet avertir les Alliés de l'extermination des Juifs et les convaincre en particulier d'intervenir d'une manière ou d'une autre pour interrompre la déportation des Juifs hongrois qui était en cours (sous la direction d'Adolf Eichmann). Dans une telle perspective, il est évidemment compréhensible qu'ils aient surévalué le chiffre des gazages. En revanche, s'il n'y avait eu aucune extermination en cours, pourquoi auraient-ils rédigé un rapport aussi incroyable et alarmant ? Et pourquoi se seraient-ils préoccupés de le faire parvenir aux autorités alliées qui n'en avaient nul besoin pour poursuivre leur effort de guerre ?
23. Les Soviétiques par exemple souhaitaient avant tout que soient reconnus les crimes commis en URSS contre des citoyens soviétiques sans que ne soit faite une mention particulière des Juifs.
24. On prend cet exemple parce qu'il met en cause un des grands vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale. Mais les historiens abordent bien d'autres sujets « tabous », par exemple les crimes de la colonisation, les traites négrières, le conflit israélo-arabe, les fusillés pour l'exemple lors de la Première Guerre mondiale... Tous les historiens ne sont pas d'accord sur tous les éléments de ces questions, et il y a notamment de nombreuses différences d'interprétation de ces événements. Mais personne ne nie qu'il y a eu des traites négrières ni qu'il y a eu des « enfumades » lors de la conquête de l'Algérie par la France (« Les enfumades sont une technique utilisée en Algérie par le corps expéditionnaire français durant la conquête du territoire de la Régence d'Alger en 1844 et 1845. La technique consiste à asphyxier les personnes réfugiées ou enfermées dans une grotte en allumant devant l'entrée des feux qui consomment l'oxygène disponible et remplissent les cavités de fumée. Des "tribus" entières auraient été ainsi annihilées. » source : Wikipedia)
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Quelques extraits des dialogues du filmOn trouvera ci-dessous quelques courts extraits des dialogues du Labyrinthe du Silence à destination des professeurs d'allemand langue étrangère. Ceux-ci pourront les soumettre aux élèves en leur demandant de se baser sur leurs souvenirs de la vision du film du film pour essayer d'en comprendre le sens général, de les situer dans le contexte du film, de repérer les différents interlocuteurs - qui dit quoi ? - avant de les traduire plus complètement. Avec le contexte et les souvenirs des spectateurs, les élèves devraient pouvoir trouver le sens de mots rares ou spéciaux. Johan Radmann/ un juge / Marlene Wondrak- Schön, das Sie kommen. Johan Radmann / le procureur général Fritz BauerFrankfurter Rundschau: „Staatsanwalt Radmann untersucht die Vergangenheit des Oberstudienrats. Kultusministerium wurde am 25.3 informiert und ignoriert die Mitgliedschaft in des Waffen-SS…" etc. etc. Johann Radmann/ le procureur en chef Walter Friedberg- Bleiben Sie sitzen. Wie stellen Sie sich das vor? Sie wollen Leute aus Polen, Israel und sonst woher holen. Dahin gibt es nicht mal diplomatische Beziehungen. Und wozu? Um zu beweisen, dass jemand im Krieg in Polen irgendetwas getan hat. Johann Radmann/Otto Haller- Ich entwerfe eine Strategie, und Sie arbeiten mir zu. Johann Radmann / Thomas Gnielka- Sheriff Radmann und sein Freund, Apachenhäuptling Spitze Feder… Sie kämpfen gegen eine übermacht, aber am Ende siegt das Gute. |