Régis Debray, Ulrike Meinhof, Daniel Cohn-Bendit, Larry Bensky, Rudi Dutschke, Douglas Bravo, Paul Vergès, Che Guevara… Rétrospectivement, cette galerie de la révolution suscitera chez certains une nostalgie remise au goût du jour en cette année anniversaire de « Mai ». Contre la muséification de leurs idéaux, un film, Le fond de l’air est rouge, dans lequel toutes ces personnes croisent des centaines d’anonymes dont Chris Marker remonte les images.
En 1973, l’expérience Allende est brutalement interrompue au Chili. Chris Marker songe alors à la réalisation d’un film de montage sur ce qui est en train d’entrer en crise : un élan politique, souvent marxiste, parfois incohérent, toujours intense. Achevé une première fois en 1977 et composé d’extraits de films de fiction, de films militants et de chutes d’actualités, Le fond de l’air est rouge nous rappelle toute la diversité de la décennie 1967-1977 que l’on a trop souvent réduite à quelques événements phares d’une génération qui ne voulait pas de la Guerre du Vietnam, qui dénonçait les tortures du régime du Shah d’Iran, et qui rêvait de guérilla.
Comme tout rappel historique, cette rétrospective peut susciter aujourd’hui une forme de nostalgie. Mais le film y échappe, la dépasse, et en fait (dès 1977 !) son objet. Car dans Le fond de l’air est rouge, une image d’archives n’est jamais le résidu muséifié d’un mouvement politique ; elle est le lieu de sa réactivation critique.