Medias
Journal & grilles Appli mobile Newsletters Galeries photos
Medias
Journal des Grignoux en PDF + archives Chargez notre appli mobile S’inscrire à nos newsletters Nos galeries photos
Fermer la page

Extrait du dossier pédagogique
réalisé par les Grignoux et consacré au film
Fahrenheit 9/11
de Michael Moore
USA, 2004, 2h00

Le dossier pédagogique dont on trouvera un court extrait ci-dessous s'adresse aux enseignants du secondaire qui verront le film Fahrenheit 9/11 avec leurs élèves (à partir de quatorze ans environ). Il contient plusieurs animations qui pourront être rapidement mises en œuvre en classe après la vision du film.

La mise en scènecinématographique dans Fahrenheit 9/11

Lors de l'attribution de la Palme d'Or à Fahrenheit 9/11 au Festival de Cannes 2004, le jury a insisté sur les qualités artistiques du film de Michael Moore: elles seules, et non pas son message politique, avaient justifié, aux yeux du jury dirigé par le cinéaste Quentin Tarantino, qu'il reçoive ce prix prestigieux. Même si l'on peut ne pas être d'accord avec ce jugement, il convient cependant d'abord de s'interroger sur les qualités esthétiques de Fahrenheit 9/11 et, plus largement, sur la manière dont Michael Moore filme la réalité, utilise les images prises par d'autres cinéastes, organise sa mise en scène et construit l'ensemble de son film. Quels sont donc les traits remarquables de ce film, comparativement à d'autres documentaires, mais également à des films de fiction ou à d'autres moyens d'expression sur le même sujet (reportage télévisé, site WEB, caricature...)?

Pour orienter cette réflexion avec les jeunes spectateurs (qu'on suppose ne pas être inscrits dans des filières d'études cinématographiques), l'on peut tracer quelques pistes d'analyse:

  • Quelle est l'origine des images utilisées par Michael Moore (images, d'archives, images tournées par son équipe, films de fiction...)
  • Se souvient-on de certaines caractéristiques remarquables de la bande-son?
  • Quand Michael Moore se met-il lui-même en scène?
  • Comment Michael Moore assemble-t-il les images? pour leur donner quel sens, pour produire quelles impressions? Quelles sont d'ailleurs les différentes impressions ressenties par les spectateurs? rire, émotion, scandale, dégoût, horreur...?

Il ne s'agira pas bien sûr d'analyser ici de façon complète l'ensemble du film, et l'on se basera essentiellement sur les souvenirs que la projection aura laissés aux jeunes spectateurs, en particulier des scènes les plus fortes et les plus significatives. L'enseignant pourra d'abord commencer par une discussion générale qui permettra de se souvenir d'un grand nombre de séquences et de détails; ensuite, on pourra mener une réflexion plus approfondie individuellement ou par petits groupes sur différentes séquences particulièrement marquantes dont chacun essaiera de préciser le fonctionnement; enfin, les différents groupes ou participants pourront confronter leurs réflexions.

L'on trouvera dans les encadrés des pages suivantes quelques pistes d'analyse qui pourront être soumises aux participants à l'issue de leur propre recherche.

[Seul l'encadré consacré à l'utilisation d'images de différentes origines est reproduit sur cette page WEB.]

 

Des images de différentes origines

Ce qui frappe dans Fahrenheit 9/11 par rapport à d'autres documentaires, c'est notamment la diversité des images qui proviennent de multiples sources, certaines clairement identifiables, d'autres plus incertaines. Ainsi, on peut se souvenir:

  • d'images de la télévision, par exemple celles de la campagne d'Al Gore au début du film ou celles des discours de George Bush;
  • d'images de télévision mais qui ont été coupées au montage, par exemple celles précédant les interviews des membres de l'administration Bush, en particulier celles de Paul Wolfowitz bavant sur son peigne pour recoller ses cheveux ou encore de George Bush lançant un regard — ironique, entendu, vicieux, sardonique...? — vers la droite de l'écran juste avant (?) d'annoncer le début des hostilités en Irak;
  • d'images de télévision qui ont peut-être été montrées mais montées sans aucun doute d'une autre façon, par exemple celles où le président Bush appelle toutes les nations à lutter fermement contre le terrorisme avant d'inviter les journalistes à admirer la qualité de son drive (on peut supposer que les télévisions ont coupé cette dernière partie ou l'ont montrée dans un autre contexte);
  • d'images de télévision très anciennes comme celles illustrant les relations entre Bush père et les Saoudiens ou encore de George W. Bush, jeune dirigeant d'entreprise;
  • d'images tirées de films de fiction (on voit par exemple un court extrait en noir et blanc où un homme met le feu à un bûcher destiné symboliquement... à Bill Clinton) ou encore de séries télévisées comme les Incorruptibles ou une série western dont, en plus, Michael Moore a changé la tête des personnages;
  • d'images filmées par l'équipe de Michael Moore et où apparaît le plus souvent Michael Moore lui-même en train d'interviewer ou d'interpeller des citoyens ou des hommes politiques, ainsi que des soldats américains en Irak (bien qu'il y ait un doute sur le fait que ce soit bien Michael Moore et non pas un autre journaliste qui soit l'auteur de ces séquences);
  • d'images filmées sans doute par des amateurs et qui n'étaient pas destinées à une diffusion publique comme celles des sévices infligés à des prisonniers irakiens;
  • d'images de provenance indéterminée, par exemple celle de l'explosion qui secoue deux soldats américains près d'un palmier (quand la fumée se dissipe, un seul est debout et s'enfuit) ou encore celle d'une exécution publique en Arabie Saoudite qui n'a pu être vraisemblablement filmée que de manière clandestine;
  • des documents écrits, titres de presse ou rapports officiels en particulier celui sur les états de service militaire de George Bush dont la version publiée par la présidence masque le nom de James R. Bath;
  • etc.

La source principale des images utilisées par Michael Moore est, on le voit bien, la télévision (ou les télévisions), et la manière même dont il mène ses propres interviews (ou interventions) est très proche du style télévisuel (en particulier des journaux télévisés): d'un côté, caméra à l'épaule, il interpelle des personnalités dont il essaie de capter l'attention tout en les provoquant plus ou moins ouvertement; de l'autre, il donne la parole à des experts dont il partage généralement les opinions et qui s'expriment dans le calme de leur bureau; enfin, il montre plus longuement des témoins anonymes (plus exactement inconnus du grand public), des gens «comme tout le monde» comme cette mère d'un soldat tué en Irak.

On comprend ainsi rapidement que «l'ennemi» visé n'est pas seulement Bush mais également les télévisions américaines comme Fox News qui orchestrent un formidable travail de propagande en faveur de la présidence: on se souvient notamment de la reprise d'images de la guerre en Irak complètement insignifiantes mais accompagnées d'un commentaire enthousiaste des journalistes qui estiment ces mêmes images très importantes. Ainsi, Michael Moore retourne contre ces télévisions leurs propres armes, montrant ce qu'elles ont coupé, filmant ce qu'elles n'ont pas voulu ou osé filmer (les morts, les blessés, les civils), révélant leurs partis pris, leur complaisance à l'égard de Bush, leur aveuglement également (dû notamment à un patriotisme sans doute sincère). Il s'agit donc pour Michael Moore d'une certaine manière de refaire le travail de la télévision, de proposer aux spectateurs le reportage qu'ils n'ont jamais vu... Le signe du message est, si l'on veut, inversé — la propagande pro-Bush devient anti-Bush — mais la forme du message n'est pas profondément transformée.

C'est la raison pour laquelle certains critiques, tout en partageant éventuellement les opinions politiques de Michael Moore, trouvent néanmoins le film peu consistant: Michael Moore manipule lui aussi les images, il les met au service de son propos, il privilégie les séquences chocs qui impressionnent le spectateur mais qui n'ont pas nécessairement valeur de preuve ou d'argument, il ne retient que ce qui conforte son opinion, il favorise dans ses interviews ceux qui sont de son avis, il avance des arguments et des preuves aussi vagues que la télévision (par exemple sur les relations entre le «clan» Bush et les Saoudiens). Dans un film qui aborde autant de questions en aussi peu de temps, qui multiplie comme dans un kaléidoscope images et documents de toutes sortes, quelle place est réellement laissée à la réflexion et à l'analyse un peu approfondies... [1]

On remarquera d'ailleurs qu'une des séquences les plus «fortes» est peut-être celle où Michael Moore laisse s'exprimer longuement Lila Lipscomb, cette mère de famille extrêmement patriote, confrontée à la mort de son fils en Irak. La manière d'accompagner cette femme de façon individuelle, en suivant son évolution personnelle, en lui laissant le temps d'exprimer des sentiments très contradictoires laisse sans doute une impression plus durable que les images de la guerre en Irak, très violentes mais trop brèves pour s'imprimer de façon précise dans la mémoire des spectateurs. Cette séquence (découpée en trois parties) s'éloigne sans doute le plus visiblement du style des journaux télévisés qui misent sur la brièveté et l'image choc: ici au contraire, cette femme prend une véritable consistance, nous devient presque familière et nous laisse des souvenirs (relativement) précis.


[1] Il faut souligner à ce propos que Michael Moore reprend sur son site web http://www.michaelmoore.com/ l'ensemble des faits et arguments avancés dans Fahrenheit 9/11 et cite notamment ses sources, ce qui permet sans doute aux spectateurs intéressés de prolonger leur réflexion.

Affiche


Tous les dossiers - Choisir un autre dossier