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Extrait du dossier pédagogique
réalisé par Les Grignoux et consacré au film
The Circle
de James Ponsold
États-Unis, 2017, 1h50

Ce dossier consacré au programme The Circle est destiné aux enseignants et enseignantes du secondaire qui verront ce film avec leurs élèves entre 13 et 18 ans environ. Il propose plusieurs animations à mener en classe après la projection et qui ont pour objectifs d'amener ceux-ci à réfléchir aux différentes dimensions du film.

L'extrait du dossier reproduit ci-dessous propose une réflexion sur le type de management illustré dans ce film.

Une première discussion à chaud

Quand on a vu un film en groupe, il est tout naturel d'échanger les avis et premières impressions. Laissons donc la parole librement aux spectateurs. Éventuellement, l'on pourra alimenter la discussion avec des questions comme :

  • Qu'est-ce que vous avez aimé (ou pas) dans le film ?
  • À votre avis, quelle est l'intention de l'auteur du film ?
  • Y a-t-il un message à dégager ? Lequel ?
  • Avez-vous remarqué certaines choses que vous voudriez partager ?
  • Quels sont les thèmes que le film développe ?

Pour amorcer la réflexion sur certains sujets que le film aborde, soumettons le premier questionnaire à une moitié des participants et le deuxième questionnaire à l'autre moitié.

Questionnaire 1 : Choqué·e ou pas choqué·e ?

Ça me choque Ça ne me choque pas
1. Lors de l'entretien d'embauche, Mae n'a pas le temps de réfléchir aux questions qu'on lui pose.
2. Des photos personnelles de Mae apparaissent sur les parois de l'ascenseur.
3. Le travail de Mae est évalué immédiatement, à chaque seconde.
4. Des micro-caméras sont placées un peu partout dans le monde.
5. Annie quitte la fête parce qu'elle doit partir immédiatement en Australie.
6. Mae est invitée à compléter son profil et à être active sur le réseau du Cercle.
7. À la visite médicale, Mae reçoit un bracelet qui enregistre ses données physiologiques.
8. Une membre du Congrès américain va donner accès à toutes ses données : mails, comptes…
9. On peut placer une puce dans l'os d'un enfant pour le retrouver en cas de disparition.
10. De nombreuses personnes menacent Mercer parce qu'il est un « tueur de cerfs », seulement parce qu'elles ont vu la photo d'un lustre sur le réseau.
11. Mae est filmée à son insu alors qu'elle fait du kayak dans la Baie pendant la nuit.
12. Plusieurs personnes filment Mae et Mercer qui se disputent dans un couloir.
13. Mae s'engage à porter la caméra SeeChange en permanence.
14. Mae (et avec elle, tous ses followers) surprend ses parents au lit.
15. Mae propose que le vote soit obligatoire et lié au compte du Cercle.
16. L'application SoulSearch permet de retrouver une personne en moins de 20 minutes.
Questionnaire 2 : Séduit·e ou pas séduit·e ?

Ça me séduit plutôt Ça me laisse indifférent·e
17. L'entreprise Le Cercle est installée dans un immense campus circulaire.
18. Le campus du Cercle dispose de toutes sortes d'infrastructures de loisirs, de sport, etc.
19. Des photos personnelles de Mae apparaissent sur les parois de l'ascenseur.
20. Des micro-caméras sont placées un peu partout dans le monde.
21. Eamon Bailey déclare que « savoir, c'est bien ; tout savoir, c'est mieux ».
22. Il y a une fête avec un concert de Beck sur le campus du Cercle.
23. Annie quitte la fête parce qu'elle doit partir immédiatement en Australie.
24. Le Cercle paie les soins de santé des employés et même ceux des parents de Mae.
25. Une membre du Congrès américain va donner accès à toutes ses données : mails, comptes…
26. On peut placer une puce dans un os d'un enfant pour le retrouver en cas de disparition.
27. Mae est sauvée de son naufrage, grâce aux caméras SeeChange.
28. Mae déclare que « se savoir observé fait de nous de meilleures personnes », avant de s'engager à porter la caméra SeeChange en permanence.
29. Tout ce que voit et entend Mae est diffusé en permanence sur le net.
30. Mae propose que le vote se fasse via le compte du Cercle pour améliorer le taux de participation aux élections.
31. L'application SoulSearch permet de retrouver une personne en fuite en moins de 20 minutes.
[…]

Un management discutable

The Circle décrit une entreprise très moderne, qui n'est pas sans rappeler des sociétés bien réelles, comme Google. Dans le film, cette entreprise est très « désirable » pour les candidats à l'embauche, parce qu'elle propose de nombreux avantages à ses salariés. Mais tout se passe comme si cette image très positive aveuglait en quelque sorte les employés, qui manquent parfois de sens critique par rapport aux décisions et aux méthodes de la direction.

Pour dégager l'opinion que les spectateurs du film ont de l'entreprise Le Cercle, faisons un relevé des réponses aux propositions 1, 3, 5 (=23), 6, 13, 17, 18, 21, 22, 24 et 28.

  • Quels aspects de l'entreprise Le Cercle ont le plus séduit les spectateurs ?
  • Lesquels les ont peut-être choqués ?
  • Quels sont les arguments en faveur de l'entreprise ?
  • Quels sont les arguments en sa défaveur ?

Commentaires

Les spectateurs mettront peut-être en avant des arguments liés aux avantages concrets que présente l'entreprise, mais aussi à la « séduction » de son leader, Eamon Bailey. Mais ils avanceront peut-être également des arguments en relation avec des méthodes discutables.

Des avantages objectifs

Le Cercle paie bien ses employés (les parents de Mae sont fiers du salaire de leur fille ; Mae s'est acheté une nouvelle voiture peu de temps après son engagement…) et leur offre aussi une assurance, qui peut même s'étendre à leurs proches : le père de Mae qui n'avait pas de quoi payer ses médicaments se voit offrir cette assurance qui prend désormais le traitement en charge. Ce sont là des avantages objectifs[1] qui font du Cercle un employeur intéressant.

Des avantages subjectifs

Le Cercle propose également une infrastructure très large et complète qui favorise le bien-être des employés : salles de sport, restaurants, navette de bus, etc. Des fêtes sont aussi organisées (musique, alcool… ) et même des concerts de groupes en vogue. On peut qualifier ces avantages de subjectifs dans la mesure où ils correspondent aux désirs de ce public que constitue le personnel du Cercle (jeunes, de la classe moyenne, majoritairement blancs, célibataires, sans enfants, etc.) Une personne qui ne correspondrait pas à ce profil ne trouverait peut-être pas son compte dans l'offre « fun » et « cool » du Cercle. Toutes ces infrastructures contribuent à renforcer la cohésion des employés et même leur homogénéité pourrait-on dire.

D'autre part, ces avantages ont tendance à garder les employés à l'intérieur du Cercle, ils n'ont pas besoin de sortir de l'entreprise pour se divertir, faire du sport, etc. Cela participe à souder la communauté des travailleurs mais aussi à les tenir écartés du reste du monde et donc à l'écart d'autres réalités…

Un leader charismatique

Mais ce qui constitue plus encore sans doute la marque de fabrique du Cercle, c'est son identification à une personne, un leader charismatique : Eamon Bailey. Il n'est certes pas seul à la tête de l'entreprise, mais il apparaît comme le « génie fondateur ». (Tom Stenton apparaît davantage comme un directeur financier et administratif, une personnalité bien plus remplaçable qu'Eamon Bailey ; quant à Ty Lafayette, le 3e fondateur de l'entreprise, il semble bien avoir disparu des radars…). C'est toute l'entreprise qui profite de l'image ultra-positive d'Eamon Bailey : il est cool (il ne porte pas de cravate, il met les pieds sur le bureau pendant les réunions, il aime faire du surf… ), il a le sens de l'humour et pratique même une légère autodérision (quand il raconte que ses amis ne lui répondent plus au téléphone…), il est bienveillant (il accueille Mae après qu'elle a failli mourir, il élargit l'assurance aux parents de Mae…), il est attaché à la démocratie et à la liberté et il prend les grands problèmes de société à bras-le-corps (il se sent concerné par le faible taux de participation aux élections, il développe des outils pour les « activistes »…). Mais, devant toutes ces qualités, on peut légitimement se demander quelle est la part de stratégie dans sa communication : fait-il réellement du surf ? A-t-il réellement un fils handicapé ou essaie-t-il seulement de faire appel à l'émotion des auditeurs ?

En dehors de toutes ces qualités « humaines », Eamon Bailey bénéficie d'une « aura » : c'est lui, le génie du Cercle, c'est lui (ou prétendument lui) qui a toutes les bonnes idées, qui développe les nouveaux outils. Ce caractère exceptionnel se remarque notamment au fait que son bureau est accessible seulement à une quarantaine d'élus, le «gang des 40», sa garde rapprochée pourrait-on dire, à laquelle tous les employés du Cercle et particulièrement les « guppies » voudraient accéder un jour… Cet homme fait rêver et il anime précisément le « Dream Friday[2] » chaque semaine. Et pourtant…

Tous les éléments que l'on vient de citer contribuent à forger une image très forte et très positive de l'entreprise, qui se trouve dès lors éminemment désirable pour les jeunes, qui, comme Mae, entrent dans le monde du travail. Et pourtant cette entreprise qui met si souvent en avant sa défense des libertés restreint insidieusement celle de ses employés.

Certains se trouvent « décrochables » à tout moment, comme Annie qui doit quitter la fête sur-le-champ pour partir en Australie. Ty, lui aussi, doit interrompre sa discussion avec Mae : il doit partir, dit-il, après avoir vu un message. Ainsi, certains se voient envoyés au bout du monde sur-le-champ. Il faut donc toujours être prêt et abandonner ce que l'on est en train de faire ou ce que l'on a prévu de faire.

Mae est évaluée en permanence et mise sous pression : l'idée est d'atteindre 100 % d'évaluations positives à chaque action. Pour Mae, tout se passe bien, mais on peut imaginer le stress que cela doit occasionner à des employés moins performants.

Mae est aussi vivement invitée à participer activement à la vie de la communauté, en ne s'absentant pas trop souvent et en communiquant sur le réseau social du Cercle (qu'on imagine être un gigantesque réseau unique qui rassemblerait Facebook, Instagram, Twitter, etc.) : il semble ne pas y avoir de limite entre la vie privée (la famille, les amis, les amours, les loisirs…) et la vie professionnelle. On dit à Mae que, si elle ne communique pas (ce qu'elle fait, qui elle voit…), cela donne un signal de méfiance vis-à-vis de ses collègues…

Le talent et le charisme d'Eamon Bailey agissent aussi sur les employés. À l'instar d'un gourou, il les manipule littéralement. Une technique de manipulation consiste à présenter des slogans, issus de raisonnements trop rapidement bouclés. Ainsi, « sharing is caring » ou « savoir, c'est bien ; tout savoir, c'est mieux », sont des formules qui sonnent bien ou qui semblent évidentes. Mais elles sont sans doute le résultat d'une démonstration trop séduisante pour être remise en question. Le film donne un bon exemple du procédé.

Pour convaincre Mae et tous les employés du Cercle que ce serait formidable qu'elle porte une caméra SeeChange en permanence sur elle, Eamon fait une petite séance de psychologie sauvage. Il profite de deux « fautes » que Mae a commises : elle est entrée dans son bureau alors qu'elle n'en avait pas l'autorisation ; elle a « volé » ou emprunté un kayak en pleine nuit, et, s'il n'y avait pas eu de caméras pour la repérer, elle serait peut-être morte après avoir chaviré. Mae est donc « dans ses petits souliers ». Mais Eamon ne la blâme pas ; au contraire, il lui demande comment elle se sent et il obtient la réponse qu'elle est soulagée, qu'elle se sent mieux de ne plus avoir ce secret (être entrée dans le bureau). En outre, elle n'aurait pas volé le kayak si elle avait su qu'elle était observée. On est donc une meilleure personne quand on est regardé. La démonstration s'arrête là. Mais a-t-on toujours envie d'être regardé ? Non, bien sûr. Et la scène de l'intrusion dans la chambre à coucher des parents de Mae en est un bon exemple. Ne pas avoir de secret ne fonctionne dans le sens voulu par Eamon que quand ce secret concerne une faute ou une infraction ou une infidélité qu'on a commise… Mais il y a des circonstances où révéler un secret peut avoir l'effet inverse : se sentir coupable et non pas soulagé, parce qu'on aura trahi la confiance d'un proche, par exemple… Ainsi, les jeunes employés du Cercle, séduits par tous les avantages de l'entreprise et par le charisme de leur patron, ne remettent pas en question les méthodes de management de l'entreprise.

Prolongement : des noms significatifs

Dans l'entreprise Le Cercle, beaucoup de concepts, d'idées, d'applications ont des noms qui ont été choisis soigneusement, on peut l'imaginer, à commencer par « Le Cercle », lui-même. Mais les mots SeeChange, SoulSearch, TrueYou peuvent aussi être l'objet d'intéressantes interprétations. Invitons les participants à élaborer des significations autour de ces mots. À celui du Cercle, on pourra aussi associer son logo.

1. Ces avantages sont particulièrement intéressants dans le contexte de la société américaine où la couverture sociale (assurance maladie, allocations de chômage…) est relativement réduite.

2. On notera que ce vocabulaire spécifique, Dream Friday, Guppies, Gang of 40, contribue aussi à souder la communauté des travailleurs : ce sont des mots que les extérieurs à l'entreprise ne peuvent pas comprendre, non pas en raison de leur technicité, mais bien parce qu'ils constituent des marques, des concepts d'un groupe dont ils sont exclus.


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