Medias
Journal & grilles Appli mobile Newsletters Galeries photos
Medias
Journal des Grignoux en PDF + archives Chargez notre appli mobile S’inscrire à nos newsletters Nos galeries photos
Fermer la page Acheter ce dossier

Extrait du dossier pédagogique
réalisé par Les Grignoux et consacré au film
Knock
de Lorraine Lévy
France, 2017, 1 h 53

Destiné aux enseignants du secondaire qui verront le film Knock avec un large public d'adolescents âgés de douze à seize ans environ, ce dossier pédagogique propose plusieurs animations à mettre en œuvre en classe après la projection. Celles-ci permettront entre autres d'identifier et d'explorer les principaux thèmes du film ; de s'intéresser aux méthodes de manipulation pratiquées par le médecin ainsi qu'à ses intentions, motivations, personnalité, caractère…, de revenir sur la création cinématographique, notamment sur ses dimensions d'adaptation de l'œuvre littéraire (scénario, situations, ton, personnages…), ou encore, de réfléchir à la portée actuelle de cette pièce écrite voici près d'un siècle.

Premières discussions

Après la vision d'un film, il est naturel d'échanger ses premières impressions. Ouvrons par conséquent une courte discussion informelle destinée à recueillir les avis spontanés des participants. Au besoin, aidons-les avec des questions comme :

  • Avez-vous apprécié le film ?
  • Quel personnage, quelle scène, quel aspect en particulier vous a plu (ou déplu) ?
  • Recommanderiez-vous ce film à vos amis ? Pourquoi ?
  • Etc.

Distribuons ensuite aux participants un petit questionnaire à choix multiple et demandons-leur d'y répondre individuellement dans le but de préparer un premier débat autour du propos général de Knock (voir questionnaire reproduit ci-dessous).

Questionnaire : Le propos général du film

  1. À votre avis, le thème principal de Knock est :
    • La médecine, la prévention des maladies et l'éducation à la santé
    • Le charlatanisme
    • La manipulation
    • Autre :
  2. Selon vous, quelles intentions et motivations animent le docteur Knock ?
    • S'enrichir
    • Amener la population à se soigner, à prendre soin d'elle
    • Satisfaire un besoin de pouvoir en étendant la « pénétration médicale »
    • Autre :
  3. Quels termes emploieriez-vois pour qualifier le docteur Knock :
    • C'est un homme présomptueux, mégalomane
    • C'est un homme intéressé et cupide
    • Il se comporte comme un gourou
    • Autre :
  4. Selon vous, à quel genre appartient le film Knock  ?
    • C'est une fable philosophique
    • C'est une satire sociale
    • C'est une comédie
    • Autre :

Pour chaque question, vous pouvez choisir une ou plusieurs réponses.

Commentaires

Médecine

Knock étant médecin, la santé des habitants de son canton, la prévention des maladies, leur traitement font logiquement partie de ses préoccupations. Il est plutôt louable par ailleurs qu'il tente d'impliquer l'instituteur de Saint-Maurice dans des actions de sensibilisation en direction des plus jeunes, notamment en leur prescrivant un certain nombre de mesures d'hygiène et en leur dispensant des cours élémentaires sur le fonctionnement de l'organisme. Dans la mesure où l'activité professionnelle du docteur Knock fonde toute l'intrigue du film, la médecine représente un thème important de Knock mais rapidement, nous pressentons que le véritable sujet du film est ailleurs, dans la personnalité, les desseins cachés et les méthodes d'un médecin bien moins soucieux de l'état de santé des habitants de Saint-Maurice que de son portefeuille et de sa réussite professionnelle. C'est en réalité ce qu'on appelle un charlatan, un terme plus particulièrement utilisé dans le domaine médical pour désigner une personne qui pratique l'imposture en vue d'obtenir la confiance d'un public et de pouvoir ainsi lui soutirer de l'argent ou tout autre avantage.

Manipulation

Dissimulés sous des apparences philanthropiques, ce sont donc bien les intentions cachées du docteur Knock et le processus de manipulation qu'il engage à l'égard de la population qui représentent le thème majeur du film, la médecine servant avant tout dans cette perspective de contexte propice à la mise en œuvre progressive de ses desseins. Considérant que tous les gens bien portants sont des malades qui s'ignorent, il va s'employer dès son arrivée à convaincre les habitants de Saint-Maurice et du canton tout entier que, en faisant preuve de la plus grande négligence, ils mettent inévitablement leur vie en danger. Et c'est finalement non pas ses talents de médecin mais sa capacité à modeler tout un groupe qui va le mener à la réussite et à la renommée.

Les personnalités bien marquées découvertes au début du film forment désormais une société de patients indistincts, où l'individu disparaît au profit d'une collectivité façonnée par le tout puissant docteur Knock, désormais détenteur de l'unique modèle à suivre. Bien plus qu'un médecin, le personnage incarne ainsi une sorte de gourou qui a fait de la science, comme d'autres ont pu le faire de la religion, un outil permettant d'assujettir la population. Le désintéressement apparent – la philanthropie, nommément revendiquée dans le film – et le dévouement extrême du docteur vis-à-vis de ses patients dissimulent donc en réalité une grande soif de pouvoir.

Vers une société totalitaire?

On ne peut s'empêcher de reconnaître dans Knock l'empreinte du courant unanimiste issu d'une doctrine littéraire précisément conçue au début du XXesiècle par Jules Romains, l'auteur de la pièce théâtrale dont le film constitue une adaptation libre. Selon Jules Romains, la littérature n'a exprimé jusqu'alors que l'âme individuelle et les relations entre les âmes individuelles, ne décrivant l'univers que tel qu'il est perçu par des individus isolés. Avec l'unanimisme, il souhaite exprimer aussi l'âme des groupes humains et décrire l'univers tel qu'il perçu par les collectivités : « Une famille, une rue, une foule, une ville, ce n'est pas seulement quatre, cent, mille, un million d'individus. Il y a là des êtres entièrement nouveaux, qui élaborent des faits de conscience entièrement nouveaux ».

Ce type de société où les individus sont réduits à leur fonction sociale – ici, le malade, le patient – et doivent s'effacer derrière la collectivité rappelle les caractéristiques d'une société totalitaire contrôlée par un chef (le docteur Knock) qui étend son influence par la propagande (la tournée du facteur, les conférences en classe, les nombreuses affiches dans la salle d'attente…), soumet grâce à la menace d'un danger venant de l'extérieur (la maladie), et organise autour de lui ce qui ressemble fort à un culte de la personnalité (par exemple, chacun doit l'appeler « Docteur », ce qui le place d'emblée dans une position de supériorité). Dans ce contexte, seul le prêtre, jaloux de sa popularité croissante, résistera à son emprise. Alors qu'il était jusque-là le pilier de la communauté de Saint-Maurice, il digère mal de s'en voir petit à petit exclu, tous les habitants se rangeant progressivement aux côtés du docteur Knock au point d'ailleurs, à la toute fin du film, lors des obsèques d'Adèle, de déserter massivement l'église pour empêcher le médecin de quitter le village.

Une satire sociale

Le film de Lorraine Lévy met en évidence le fait que les apparences peuvent être trompeuses et il invite chacun à la vigilance face au danger que représentent les beaux parleurs. En ce qu'il entend dénoncer les dangers de la manipulation mentale et le risque qu'elle débouche sur une société de type totalitaire, Knock peut donc être défini comme une fable politico-philosophique.

Par ailleurs, on peut aussi envisager le film comme une comédie. Il déclenche en effet le rire à de nombreuses reprises, que ce soit à travers les dialogues et le vocabulaire employé, les portraits caricaturaux des personnages, les mimiques et la gestuelle des acteurs ou encore les situations mises en scène. Mais l'humour s'accompagne dans Knock d'une critique des mœurs, plus spécifiquement ici de certaines pratiques médicales abusives proches du charlatanisme ainsi que de la crédulité et du manque d'esprit critique d'une communauté entière.

Cette double caractéristique permet donc d'identifier le film comme une satire pareille à celle qui était déjà présente dans l'œuvre de Molière au XVIIe siècle avec des pièces comme Le Médecin malgré lui ou Le Malade imaginaire : les médecins y apparaissaient comme des personnages intéressés ou suffisants dissimulant leur incompétence derrière des termes savants appartenant au même registre que le jargon utilisé par le docteur Knock dans le film. Alors que, chez Molière, la satire reflétait une société consciente du manque d'efficacité de la médecine, largement empirique et encore très peu fondée sur l'observation scientifique, elle porte plus chez Jules Romains et chez Lorraine Lévy sur son pouvoir totalisant à travers sa tendance à s'approprier les individus pour en faire des « malades qui s'ignorent ».


Tous les dossiers - Choisir un autre dossier