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Extrait de l'ouvrage de Philippe Moins
L'art de l'animation : le cinéma image par image
édité par le Centre Culturel Les Grignoux (Liège)

Cet extrait reprend le deuxième chapitre du dossier et propose une définition du cinéma d'animation. Les chapitres suivants abordent notamment l'aspect proprement esthétique du cinéma d'animation, retracent le panorama historique du genre puis analysent les différentes techniques employées par les créateurs.

Le cinéma « image par image » : qu'est-ce que c'est?

Le cinéma d'animation, comme son nom l'indique, c'est du cinéma. S'agit-il d'une simple sous-catégorie de celui-ci ou au contraire d'un genre à part ? Les opinions sur la question peuvent diverger. Quant à nous, nous y avons vu suffisamment de spécificités pour le qualifier de « 7e Art bis ». C'est l'objet de ce chapitre.

Le cinéma d'animation, c'est du cinéma

Le cinéma d'animation utilise bien sûr le même support (la pellicule et, de plus en plus, la bande vidéo, analogique ou numérique) que le cinéma. Son mode de diffusion est identique: la pellicule passe dans un projecteur, les films sont distribués en salle, participent au même processus à la fois artistique et commercial que les autres films et sont perçus par les spectateurs comme des films «normaux»[1].

D'autres caractéristiques le rattachent à l'évidence au cinéma.

Les accessoires et le processus de fabrication sont en partie communs: le cinéaste d'animation utilise une caméra, recourt au montage, la «post-production» est identique[2].

Les tâches sont réparties de la même manière: réalisateur, assistant réalisateur, monteur, bruiteur...

Enfin et surtout, le langage et la grammaire des films sont eux aussi communs: on parle de plans, de séquences, de zooms, de travellings, de champ/contrechamp, de raccords, etc.

Le cinéma d'animation, cet autre cinéma

Ne s'agirait-il dès lors que d'un genre cinématographique comme le western, la comédie musicale, ou le film fantastique? D'où vient dès lors l'impression persistante que le cinéma d'animation relève d'un genre tout à fait à part, d'un autre ordre?

Pour le grand public, on peut dire que celui-ci perçoit le cinéma d'animation comme différent dans la mesure où les «vrais» acteurs sont remplacés par des personnages dessinés, des poupées, des marionnettes, etc.

Au-delà de cette perception intuitive, la seule différence objective entre un film en prise de vues réelles et un film d'animation réside dans sa technique.

La technique

Le cinéma en prise de vues dites réelles enregistre les images en continu. Même si dans les faits un plan filmé est constitué d'un certain nombre d'images distinctes (24 par secondes), sa restitution par le projecteur doit donner une impression de continuité physique mais aussi temporelle. Les 24 images d'une seconde de film en prise de vues réelles ont été prises en une seconde. Et le plan, s'il a dix secondes, a été réellement filmé durant dix secondes (mis à part des incrustations, surimpressions et autres trucages toujours possibles).

Ceci donne au film en prise de vues réelles une réputation de reproduction de la réalité, par définition plus «fidèle».

En revanche, dans le cinéma d'animation, les images sont prises une à une. Il peut se passer vingt secondes, dix minutes, vingt-quatre heures, huit jours ou plus entre deux images d'un même plan. D'où l'expression « image par image » pour le définir.

Il ne s'agit pas d'enregistrer en temps réel un phénomène extérieur pour en simuler les apparences, mais d'additionner petit à petit une série d'images parfois très différentes les unes des autres, entièrement artificielles donc tout à fait maîtrisées, qui produiront une réalité totalement différente. D'où cette idée de Norman Mc Laren: « l'animation n'est pas l'art des dessins-qui-bougent mais l'art des mouvements-qui-sont-dessinés. Ce qui se passe entre les images est beaucoup plus important que ce qui existe sur chaque image. L'animation est donc l'art de manipuler les interstices invisibles qui se trouvent entre les images. »

L'association internationale du film d'animation (ASIFA), quant à elle, a voulu donner une forme officielle à son objet en définissant ce qu'elle appelle l'Art de l'animation: « Par art de l'animation, il faut entendre la création d'images animées par l'utilisation de toutes sortes de techniques à l'exception de la prise de vue directe »[3].

Pour très large qu'elle puisse paraître, cette définition est opérante. Toutes les productions cinématographiques peuvent en effet être analysées à travers cette grille qui permet au moins de les répartir en deux catégories distinctes: celles qui relèvent de l'animation, et celles qui ne relèvent pas de l'animation.


[1] Les petits enfants qui voient des dessins animés accordent autant de réalité aux personnages des dessins animés qu'aux acteurs des films réels; on dit souvent d'un long métrage d'animation, lorsqu'il est réussi, que «bien vite on oublie que c'est un dessin animé»...

[2] A une exception près, fondamentale: l' «animateur» qui donne le mouvement... et l'âme aux personnages. À la fois metteur en scène et directeur d'acteur, l'animateur, qu'il soit dessinateur ou marionnettiste, est aussi et surtout acteur lui-même.

[3] lors de son assemblée générale extraordinaire du 19 juin 1980 à Zagreb.

Animation ou non?

Un film avec des marionnettes à fil manipulées en temps réel (par exemple: les Thunderbirds, célèbre série télévisée des années soixante), ce n'est pas un film d'animation.

Un film montrant en 20 secondes l'épanouissement d'une fleur qui prend 24 heures est un film d'animation (par exemple: certaines séquences de Microcosmos de Claude Nuridsany et Marie Pérennou, France, 1996). Bien sûr, il relève du documentaire et non de la fiction.

Un film où les personnages sont manipulés à l'intérieur de déguisements ou à distance, mais en temps réel (par exemple: Dark Crystal de Jim Henson et Frank Oz, USA, 1982) n'est pas un film d'animation.

Un film où les images sont générées par un ordinateur (Toy Story de John Lasseter, USA 1995) est un film d'animation.

Bien sûr, de nombreux films combinent la technique d'animation et la prise de vues réelles (Saludos Amigos de Norman Ferguson (Walt Disney), USA, 1943; Qui veut la peau de Roger Rabbit? de Robert Zemeckis, USA, 1988; Cool World de Ralph Bakshi, USA, 1991, Space Jam de Joe Pytka, USA, 1996).


Annexe: le principe du cinéma

Pour comprendre comment fonctionne l'illusion cinématographique, il faut d'abord comprendre le mécanisme de la caméra. Celle-ci prend en fait une série d'images photographiques à des intervalles extrêmement courts: 24 images par seconde. Lorsqu'on regarde une pellicule de film à la main (et non avec un projecteur), on voit donc une série d'images qui se ressemblent toutes et ne se transforment que petit à petit.

Le mécanisme qui permet l'exposition de la pellicule est le suivant. Derrière l'objectif se trouve un obturateur qui s'ouvre et se ferme régulièrement.

Quand l'obturateur est ouvert, le film est immobile: la lumière traverse l'objectif et impressionne la pellicule. Une première image du film est fixée.

Puis l'obturateur se ferme, et le film avance : la lumière ne traverse plus l'objectif et n'impressionne plus la pellicule. Le film avance de la hauteur d'une image.

Ensuite, le film s'arrête et l'obturateur se rouvre: la lumière traverse de nouveau l'objectif, et impressionne une nouvelle image. Cette image se situe sur la pellicule juste derrière la première (avec une mince bande noire pour les séparer).

Ce mouvement se produit 24 fois par seconde et ne peut pas être appréhendé à l'oeil nu. Le film avance donc de façon intermittente: il avance (à l'abri de la lumière) puis s'immobilise pour être exposé. L'ensemble du mouvement dure 1/24e de seconde (puisqu'il y a 24 images par seconde); l'exposition elle-même dure environ 1/50e de seconde.

Le fonctionnement du projecteur de cinéma est en fait le même que celui de la caméra, sauf qu'il projette, comme son nom l'indique, des images sur l'écran au lieu d'impressionner la pellicule. Le projecteur de cinéma fait apparaître une série d'images légèrement décalées les unes par rapport aux autres. Mais entre chaque image, l'obturateur interrompt le faisceau lumineux et l'écran est plongé dans l'obscurité.

L'image de cinéma est donc discontinue (alors que, dans la réalité, il n'y a pas d'interruption dans notre vision des choses), et l'impression de mouvement que ressent le spectateur est en fait une illusion.

Cette illusion de mouvement est possible grâce à deux phénomènes.

Lorsqu'on regarde un objet éclairé, mais qu'on éteint brusquement la lumière, la rétine de l'œil garde, pendant une fraction de seconde, la sensation de l'objet éclairé: c'est ce qu'on appelle la persistance rétinienne. Comme on projette 24 images par seconde, la phase d'obscurité entre deux images est à peine de 1/48e de seconde: quand l'écran s'obscurcit, le spectateur n'a pas le temps de s'en apercevoir et garde la sensation de l'image précédente jusqu'à ce que la suivante vienne occuper l'écran.

Si le film était projeté trop lentement, à 2 ou 3 images par seconde, le spectateur se rendrait compte que l'image n'est pas continue et qu'entre deux images, l'écran passe au noir. À 10 ou 12 images par seconde, le spectateur ne perçoit plus le passage au noir, mais il a l'impression que l'éclairement n'est pas continu, et que l'écran scintille.

Ce n'est qu'à partir d'une cinquantaine d'images par seconde que l'impression de scintillement disparaît totalement. Comme on ne projette que 24 images par secondes, l'obturateur passe deux fois devant chaque image, qui est éclairée ainsi deux fois de suite. Par seconde, on projette 2 x 24 images, c'est-à-dire 48 images, et l'effet de scintillement disparaît.

Par ailleurs, chaque image est fixe, et pourtant le spectateur a une impression de mouvement, et non pas d'une suite d'images fixes légèrement décalées les unes par rapport aux autres. Ici aussi, c'est la rapidité de la succession des images qui crée l'illusion du mouvement. Si l'on projetait seulement 2 ou 3 images fixes par seconde, le spectateur apercevrait immédiatement la fixité des images (indépendamment du passage de l'écran au noir). À partir de 15 images par seconde, le spectateur ne parvient plus à distinguer les images fixes les unes des autres et a l'illusion du mouvement, bien que ce mouvement paraisse saccadé. À 24 images par seconde, l'illusion est complète et le spectateur a l'impression d'un mouvement continu et harmonieux.


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