Un film à part dans la carrière de Chantal Akerman qui réussit une comédie musicale dans la lignée de Jacques Demy, plus mélancolique que légère
Dans une galerie marchande, entre le salon de coiffure de Lili, la boutique de prêt-à-porter de la famille Schwartz et le bistrot de Sylvie, les employés et les clients se croisent, se rencontrent et rêvent d’amour. Ils en parlent, le chantent et le dansent. Le film a cette dualité chère à Jacques Demy. D’un côté, l’air de ne pas y toucher parce que l’on chante des bluettes et des gros mots, parce que l’on porte des vêtements jaunes et oranges et des grosses boucles d’oreilles typiques « golden eighties ». De l’autre, le prince charmant Robert qui a déjà été croqué par le loup Lili vêtu de rouge.
Et puis, surtout, cette galerie commerciale en sous-sol, privée de lumière du jour. La vie y circule en tous sens. C’est un désordre orchestré. Les figurants passent parfois au premier plan et bousculent les personnages principaux. Dans cette galerie, on fait des rencontres, on se retrouve, on se trahit, on vit d’espoirs et de renoncements. D’espoirs d’amour mais aussi d’espoirs d’argent. Ce qui est déjà une forme de renoncement. Mise à part une brève escapade dans une salle de cinéma, l’espace intime n’existe plus. Tout se voit, tout s’entend et tout se sait dans cette galerie marchande où les vitrines et les cabines d’essayage nient que les gens ont des choses à se dire qui ne regardent qu’eux. Et pas « toute la galerie ».
Extrait du texte de CLAIRE VASSÉ publié dans Chantal Akerman, autoportrait en cinéaste, éditions du Centre Georges Pompidou/Éditions Cahiers du Cinéma, 2004