Le nouveau film de l’artiste néerlandais Renzo Martens (Enjoy Poverty, 2008) documente la tentative improbable d’un groupe de travailleurs et de travailleuses de plantations en R.D.C. de racheter leurs terres grâce à la vente de leurs œuvres d’art… Une utopie ?
Habillé d’un costume et de chaussures de ville, les premières visions de « ce Blanc » marchant dans la forêt procurent une impression des plus décalées, voire une certaine antipathie. Pourtant, Renzo Martens n’est pas dupe. Il sait que l’exploitation des ressources sur cette plantation de cacao à Lusanda en République Démocratique du Congo ne bénéficie pas aux travailleur·euse·s , pour qui la précarité est omniprésente, mais bien au propriétaire. Conscientisé et révolté, il s’interroge avec elles et eux sur comment améliorer leurs conditions de vie. En recourant à l’art, peut-être ? L’artiste entraîne alors Mathieu et les autres travailleur·euse·s de la plantation dans un projet des plus surprenants : réaliser des sculptures en argile qui seront ensuite numérisées en 3D, reproduites en chocolat et exposées à New York pour être vendues. Les ouvriers et les ouvrières se constituent dès lors en coopérative : Le Cercle d’Art des Travailleurs de Plantation Congolaise (CATPC).
Grâce aux bénéfices engendrés, le collectif parvient à racheter les terres volées par le géant de l’agroforesterie Unilever et ainsi protéger les générations futures, mais aussi à faire émerger au cœur même de la plantation un musée, le « White Cube », qui donne son nom au film. Par ce projet, Renzo Martens dénonce l’injustice qui perdure entre les pays du Nord et du Sud et utilise l’art non seulement pour mettre en exergue les abus de ce système d’exploitation capitaliste des plantations, mais surtout pour tenter de soigner et de réparer ce qui peut encore l’être de cette humanité fracassée par ces inégalités. Si l’on peut se poser la question ici de l’image du « Blanc sauveur », White Cube suscite aussi de nombreuses questions sur la décolonisation des musées comme des propriétés terriennes ainsi que sur l’autonomie des travailleur·euse·s, et permet de repenser et de déconstruire les modèles de coopération Nord-Sud.