Après Braquer Poitiers, moyen métrage et Prix Jean Vigo en 2019, le metteur en scène et comédien Claude Schmitz réalise avec Lucie perd son cheval son premier long, un film à la fois tendre et revigorant, libre et surprenant. Et pour cause, Lucie rêve…
Mêlant fiction et documentaire, Lucie perd son cheval s’ouvre sur des images très naturalistes, presque un carnet de vacances. Lucie est chez sa grand-mère avec sa fille, mais ça ne va pas fort, on le comprend à demi-mot. Elle doit répéter son rôle, partir travailler, laisser sa fille qui est bien petite. Lucie s’endort et la voilà perdue dans ses rêves, en armure dans les collines sous un cagnard pas possible à errer, trotter, perdre son cheval, le chercher, rencontrer deux autres cavalières, elles aussi sans monture.
Et puis, pouf, d’un seul coup, on se retrouve ailleurs, dans le grand Théâtre de Liège, où Francis fait le tour du propriétaire à Olivier, qui s’amuse d’un rien, s’émerveille d’un spot, d’une plante, d’un fumigène… Sur le plateau, Lucie et ses comparses dorment à poings fermés. Mais les voilà qui soudainement se réveillent… branle-bas de combat ! Il faut rameuter la troupe et jouer la pièce, en l’occurrence : Le Roi Lear. Coincée entre deux rêves, le personnage de Lucie guerroie, mais sans bien savoir contre quoi, prisonnière de ce théâtre où elle doit jouer Cordélia quand elle veut réintégrer son premier rêve, récupérer son cheval pour lequel elle donnerait bien elle aussi son royaume. Et peut-être enfin se réveiller et retrouver sa fille et sa vie…
Tout est sens dessus-dessous et se mélange dans ce film inclassable. Lucie perd son cheval cultive l’art drôle et délicat de l’incongru, il multiplie les juxtapositions improbables tout comme la poésie surréaliste. Alors, puisque les réalités sont indiscernables, autant être là, et surtout ne pas perdre le fil (ou le film) des histoires qu’on choisit de se raconter. Car, de toutes manières, « Le monde entier est un théâtre / Et tous, hommes et femmes, n'en sont que les acteurs...».