Quand l’acteur et cinéaste Mathieu Amalric restitue à merveille la musique, le grain et la fluidité sensuelle du geste littéraire de Georges Simenon. Sélectionné dans la catégorie Un certain regard à Cannes en 2014
N’étaient-ce les prénoms et les professions des protagonistes, l’intrigue du film correspond presque mot pour mot à celle du roman. Dans la « chambre bleue » d’un hôtel de province, Julien Gahyde et Esther Despierre, qui s’étaient perdus de vue depuis leur enfance, s’aiment en secret. Enfin presque : un jour, il s’en faudra de peu pour que le mari d’Esther ne les surprenne.
Julien, un concessionnaire de machines agricoles, prend peur et décide d’emmener sa femme et sa petite fille en vacances aux Sables d’Olonne. Mais il n’est pas si facile d’échapper aux mystères de l’attraction entre deux corps. D’autant plus que, quelque temps plus tard, Nicolas, le mari d’Esther, qui est de santé fragile, sera retrouvé mort dans des conditions mystérieuses. Et que l’épouse trompée, elle non plus, n’en réchappera pas…
Ils ne sont pas nombreux, les cinéastes qui ont su non seulement réussir une adaptation littéraire, mais, mieux encore, retrouver la quintessence de l’œuvre adaptée, son parfum, sa musique, sa poésie. Subrepticement, au moyen de ce qu’on qualifierait volontiers de petit film, s’il n’était de grand talent, Mathieu Amalric vient d’entrer dans la catégorie de ces créateurs qui savent allier littérature et cinéma. Gageure d’autant moins évidente qu’il s’attaquait à l’un des écrivains les plus adaptés qui soit, au cinéma comme à la télévision : Georges Simenon. Tourné en format 1,33 (carré) – magnifique travail du chef opérateur Christophe Beaucarne –,
La Chambre bleue est un polar qu’on placerait volontiers au point de jonction d’Alfred Hitchcock et de François Truffaut. Comme le réalisateur du Procès Paradine (1947), Amalric tourne des scènes d’amour comme des scènes de meurtre. Et, comme le réalisateur de La Femme d’à côté (1981), il ancre magnifiquement son histoire dans une certaine forme de réalisme très français.