Ce documentaire social et sensoriel raconte l’histoire d’une communauté réunie autour d’une pratique sportive extrême, le banger, course automobile où le crash est obligatoire
Sur un circuit perdu à la frontière entre la Flandre et la France, Alizée est pilote, tout comme son amoureux, son père, sa mère et, bientôt, son petit-frère. Les dimanches, elle débranche son cerveau et appuie sur l’accélérateur dans un grand défouloir de vitesse et de destruction pour devenir héroïne d’un jour, d’une course, d’un crash. Mais le circuit qui rassemble la communauté depuis quarante ans doit fermer sous le coup de problèmes administratifs. Comment Alizée et la communauté vont-elles poursuivre sans leur raison d’exister ?
Porté par une bande-son électro et des images très soignées, Se crasher pour exister est un film qui s’intéresse à un sport marginal et peu médiatisé. On sent le réalisateur fin connaisseur de son sujet dans sa façon de rendre compte de l’impact violent des crashs en course, d’être aux côtés du pilote, nous emmenant tout au bout, à la limite du possible, de filmer au plus près les réparations et le rapport à la mécanique. Il se focalise essentiellement sur la jeunesse qu’il a la bonne idée de conjuguer au féminin pour, au passage, briser les clichés sur la virilité, si courants dans le milieu.
Le film est l’histoire aussi d’un entre-deux, d’une pause qui lui confère sa dimension sociale et politique. Le banger n’a rien de consensuel, il est marginal en soi, et l’on découvre toutes les difficultés que le propriétaire du circuit rencontre pour essayer de le faire rouvrir, dans l’attente d’une décision juridique (un chemin vicinal traverserait le circuit). En alternant les scènes sur le circuit avec celles de la vie quotidienne, le réalisateur montre qu’il y a des êtres humains dans les voitures, des championnes et champions attirés par l’adrénaline de la peur et dont le quotidien s’éclaire à chaque fois qu’ils peuvent se lâcher et prendre des risques. Ce plaisir vital-là, on comprend à quel point il peut se transmettre facilement d’une génération à l’autre, que tout n’est que recommencement et fierté de pouvoir faire comme ses aînés. Le sport, quel qu’il soit, a quelque chose de nostalgique en lui. Tout est affaire de dépassement de soi et des autres, mais ici sans carriérisme ridicule. C’est toute la beauté d’une passion simple, quand bien même on doit appuyer à fond sur l’accélérateur et foncer dans une voiture à l’arrêt, à ses risques et périls. La fureur de vivre, encore elle.
NICOLAS BRUYELLE, les Grignoux