Coupe Volpi de la meilleure interprétation féminine pour Cailee Spaeny à la Mostra de Venise 2023
Un peu plus d’un an après la sortie du biopic de Baz Luhrmann sur Elvis Presley, Sofia Coppola oriente son objectif vers l’épouse du célèbre rockeur, Priscilla, et trouve dans le portrait de cette jeune femme privilégiée mais profondément délaissée le terrain idéal pour déployer son cinéma sophistiqué, évanescent et intimement féministe
Quand Priscilla rencontre Elvis, elle est collégienne. Lui, à 24 ans, est déjà une star mondiale. De leur idylle secrète à leur mariage iconique, Sofia Coppola dresse le portrait de Priscilla, une adolescente effacée qui, lentement, se réveillera de son conte de fées pour prendre sa vie en main.
La jeune Priscilla Presley — toujours vivante aujourd’hui et dont le film adapte les mémoires — cochait toutes les cases pour inspirer la réalisatrice de Marie-Antoinette : une héroïne juvénile projetée dans un monde dont elle peine à prendre la mesure, entourée de faste, ne manquant de rien, mais traînant avec elle une profonde mélancolie, une solitude si grande qu’elle en est écrasante.
La cinéaste aime les détails et son dernier long métrage n’en manque pas. Dès l’ouverture, il nous cueille avec une succession de gros plans s’attardant sur les divers éléments du décor, une matière esthétique pop et ouatée qui définira l’univers du film : une moquette rose, les plis d’un rideau couleur turquoise, des bibelots en céramique, une épaisse ligne d’eye-liner autour des yeux, une paire de faux-cils incrustés dans un étui de velours… Autant d’accessoires kitsch et luxueux qui entourent l’héroïne, mais dont celle-ci n’a que faire, démunie qu’elle est face à un mari absent, dont elle apprend les frasques et amourettes dans les tabloïds, et qui lui refuse tout exutoire en dehors du domicile conjugal.
Coppola filme avec délicatesse et lucidité l’ennui voluptueux de cette jeune fille qui se mue peu à peu en désœuvrement, donnant, comme elle le fait si bien, une épaisseur cinématographique au sentiment de vacuité, à cette pulsion de vie empêchée, cet amour débordant mais cadenassé. La jeune actrice Cailee Spaeny, récompensée à la Mostra de Venise, prête ses traits et sa grâce à Priscilla et rejoint ainsi le panthéon des comédiennes révélées par la cinéaste (après Kirsten Dunst, Scarlett Johansson et Elle Fanning). Quant au personnage d’Elvis (interprété par le talentueux et ténébreux Jacob Elordi, vu dans la série Euphoria), il est loin d’être secondaire. C’est évidemment un autre regard que la réalisatrice pose sur lui, fait davantage d’ombre que de lumière, mais son aura incandescente tapisse malgré tout l’espace du film jusqu’à l’encombrer, traduisant la fascination démesurée que lui voue son épouse, et accentuant la douloureuse impossibilité d’exister à ses côtés.
ALICIA DEL PUPPO, les Grignoux