Dans la tradition d’un cinéma réaliste et rural, Vivian Goffette situe sa chronique dans les Ardennes et évoque, sensiblement, l’innocence fragilisée de l’enfance et sa capacité à affronter le destin avec force
Lucien, jeune garçon qui vit retiré avec sa mère et son frère aîné dans un village des Ardennes, porte un lourd secret et fuit le contact autant que les questions. Il se rapproche pourtant de Freddy, le père de Lies, sa seule amie, et passe son temps dans la modeste scierie de celui-ci. Mais lorsque la grand-mère de Lucien décède et qu'une sortie pénitentiaire est accordée à son père pour assister aux funérailles, tout bascule. Voir son père éploré, menotté et protégé de la fureur populaire par un impressionnant déploiement policier bouleverse Lucien. Contre l'avis de son entourage, Lucien veut revoir son père. Au risque de tout perdre…
Il y a ces yeux tristes qui surgissent dès l’entame du film et qui s’impriment en nous définitivement. Ils renvoient à une vie intérieure blessée et en plein questionnement, celle du jeune Lucien (époustouflant Yanis Frish). Ce n’est pas pour rien qu’il est souvent filmé en gros plan et seul dans le cadre. Ne recourant à aucun effet superficiel de mise en scène, le cinéaste se place toujours au juste endroit, opérant le bon mouvement d’avancée ou de recul pour capter la fébrilité des êtres.
Tout nous est révélé de biais, à petits pas, pour ne pas tomber dans le registre de la démonstration frontale dont se nourrissent les drames psychologiques tire-larmes. Les Poings serrés se situe à mille lieues de là, par sa capacité à traiter avec dignité et chaleur l’enfance prise dans un tourbillon de pensées paradoxales. Le film dépeint aussi les adultes avec beaucoup de nuances, en particulier ce père-monstre (rôle si dur qu’endosse brillamment Laurent Capelluto) qui aura mis la famille sens dessus-dessous.
Dans un temps resserré, Vivian Goffette aura réussi à tout révéler de la complexité de son histoire : ce que veut dire manquer d’amour et déchiffrer ce qui se passe autour de soi, avec ses propres yeux et son propre cœur d’enfant.
NICOLAS BRUYELLE, les Grignoux