L’amour résiste-t-il au temps qui passe ? Telle est la question centrale du vaudeville teinté de fragilité de David Lambert (Hors les murs, Troisièmes noces) autourde la crise du couple, celle que vivent deux hommes de soixante ans dont le désir exprimé l’un pour l’autre s’étiole de plus en plus
Henri et Thom vivent ensemble à Bruxelles et filent le parfait amour depuis trente-cinq ans… Enfin, en apparence. Depuis qu’Henri a pris sa retraite de policier, rien ne va plus. Ses journées sont fades et interminables, ses sentiments s'estompent et leur maison est devenue un vrai champ de bataille. Toujours amoureux, Thom est prêt à tout pour raviver la flamme et sauver leur couple, quitte à demander lui-même le divorce…
L’intrigue est circonscrite en peu de lieux à Bruxelles : un appartement, quelques rues, une place avec sa brocante, des souvenirs plein la tête et de (très) rares personnages secondaires. Face à nous, deux corps d’hommes cabossés par la vie, incapables de bien se parler et qui, de façon absurde, en arrivent à communiquer par sms alors qu’ils sont dans le même intérieur. Bienvenue dans la solitude 2.0…
L’humour, minimaliste, surgit par petites touches et atténue cette gravité qui n’est jamais loin. Par la concision du montage ainsi que la gestion des espaces et des lieux notamment, cette comédie d’intérieurs évite les écueils du théâtre filmé et statique. Le réalisateur s’attaque à des préoccupations sérieuses et contemporaines, sans didactisme : la perte du désir, la vieillesse et la précarité car, in fine, ce couple ne roule pas sur l’or. Ce constat évoque, en creux, la vie en solitaire quand on est âgé et sans grands moyens financiers pour survivre.
Que des séquences centrales se déroulent pendant une brocante, ce pays des souvenirs que l’on revend parfois à regret, souvent par nécessité, dit la sensibilité d’un cinéaste qui veille à sortir son histoire des conventions sentimentales pour apporter, avec originalité, un supplément de mélancolie.
Ce duo de sexagénaires est parfaitement incarné par deux grands acteurs, Olivier Gourmet et David Johns (Moi, Daniel Blake), dont la finesse de jeu et le désir d’incarner leurs res participent de cette complicité idéale entre eux et le public, la base de toute comédie vaudevillesque.
Le film sait prendre des chemins de traverse et quitter le cadre du huis clos quand il nous emmène dans le monde de la nuit et nous plonge dans l’underground, quand on (re)devient peut-être soi-même, les souvenirs plein la tête. Des sons new beat surgissent et disent la présence essentielle (et rassurante ?) de la vitalité du passé quand le présent se fait, lui, vieillissant. Tout en donnant sa version personnelle et actuelle de la comédie du remariage à l’ancienne, David Lambert pose un regard tendre et ludique sur l’amour qui s’en va mais, qui sait, reviendra peut-être pour de bon…
NICOLAS BRUYELLE, les Grignoux