Ce film est disponible également en matinées scolaires à Liège et Namur
Entre Petit paysan (sorti en 2017) et Les Pires (2022), Vingt dieux est une très émouvante chronique sociale où la fabrication du Comté prend une place tout à fait inédite au cinéma. Récit d’apprentissage en même temps qu’épopée fromagère, ce premier film de Louise Courvoisier est une réelle pépite cinématographique !
Totone, 18 ans, passe le plus clair de son temps à boire des bières et écumer les bals du Jura avec sa bande de potes. Mais la réalité le rattrape : il doit s’occuper de sa petite soeur de 7 ans et trouver un moyen de gagner sa vie. Il se met alors en tête de fabriquer le meilleur Comté de la région, celui avec lequel il remporterait la médaille d’or du concours agricole et 30 000 euros.
À la lecture du synopsis, on peut se demander comment les différentes étapes de création d’un fromage artisanal vont pouvoir nous projeter dans une fiction palpitante et sensible à vous fendre le coeur. C’est qu’il s’agit avant tout d’un récit d’initiation, du passage confus de l’adolescence vers l’âge adulte d’un garçon empoté et maladroit, mais dont la bouille n’a pas fini de vous attendrir. Totone — comme l’acteur qui l’interprète,
Clément Faveau — est un garçon du cru, dont l’accent et la dégaine ont été façonnés par les paysages du Jura, ces grandes plaines agricoles où broutent les vaches, galopent les chevaux, et où, dans de grands chaudrons en cuivre, se fabrique du fromage. Ce qui rend cette chronique rurale aussi attachante, c’est l’importance donnée aux détails, la description, avec tant de justesse, d’amour aussi, d’une culture et d’un territoire peu représentés au cinéma. À chaque plan, nous pouvons sentir la tendresse que la réalisatrice porte sur ses personnages, ainsi que sur la région de son enfance qu’elle filme tel un décor de western.
Louise Courvoisier a pris soin de chercher l’authenticité chez tous les protagonistes — dont aucun n’est interprété par un acteur professionnel — et saisit chez chacun l’étincelle qui l’habite. Qu’il s’agisse de Jean-Yves et
Francis, les amis de Totone, deux pieds nickelés fans de moto qui vont pourtant croire et l’aider dans son projet un peu fou ; de Claire, sa petite soeur qui le regarde avec l’admiration dont il a besoin ; ou encore Marie-Lise, la jeune agricultrice indépendante dont il s’amourache… Tous ont une singularité qui fait mouche, profondément ancrée dans l’espace où ils évoluent.
Et puis il y a cette histoire assez inattendue et infiniment touchante d’un jeune garçon précaire, en deuil, carrément paumé, qui caresse l’idée folle de gagner le jackpot en gagnant un concours de fromage… Il y a dans son espoir sincère d’échapper à la détresse de sa condition par ce biais-là quelque chose qui vous renverse. Et une lueur dans ses yeux qui ne vous quittera pas !
ALICIA DEL PUPPO, les Grignoux