Juliana Rojas et Marco Dutra réussissent un pari risqué : celui d’intimement mêler le fantastique au réel, la question sociale au film d’horreur, les sentiments humains au conte initiatique.
Clara, infirmière noire des quartiers pauvres de São Paulo, devient la bonne à tout faire d’Ana, bourgeoise blanche enceinte jusqu’aux dents qui habite seule un immense building. Ana fait des caprices et a parfois un air absent. Son teint de porcelaine prend des contours menaçants à la nuit tombée, surtout les soirs de pleine lune. Cela ne l’empêche pas de vivre une intense histoire d’amour avec Clara…
Julia Ducournau (Grave) nous confiait récemment qu’elle se reconnaissait dans le cinéma cross-over anglais et sud-coréen, qui avait érigé le mélange des genres et la transgression en modèles esthétiques et narratifs. Elle aurait également pu citer le nouveau cinéma brésilien qui, sous l’impulsion de Kleber Mendonça Filho (Aquarius), tente de sortir les récits des carcans imposés par Hollywood et le grand cinéma d’auteur international. Avec Les bonnes manières, le duo de réalisateurs pousse la logique de l’hybridité au maximum. On y passe du portrait existentiel à l’histoire d’amour, du mélodrame au film fantastique, du pamphlet social au questionnement sur la maternité, de l’ambiance de télénovela à celle de conte de fée, du dialogue réaliste à la berceuse poétique.