Porté par une formidable distribution (Hiam Abbass, Biyouna, Fadila Belkebla, Lina Soualem, Maymouna…), voici un film qui puise aux sources de la tragédie antique pour rappeler que, dans les périodes de régression, le corps desfemmes est toujours la première cible des obscurantistes
Elles sont toutes là, enfin en liberté, les femmes algériennes. Dans la chaleur moite d’un hammam aux murs lépreux, elles suent, bavardent, ragotent, s’emportent, se frottent et, surtout, fument. Sans voile, sans niqab, sans hommes, sans contrainte, elles tirent sur des cigarettes américaines – strictement interdites pour elles, en société. Dehors, les bombes explosent.
La matrone fait le ménage, apporte de l’eau chaude ; la masseuse circule de corps en corps ; et toutes, vieilles et jeunes, grasses et maigres, gaies et épouvantées, toutes parlent d’amour. Mariages ratés, vies brisées, avenir incertain, espoir d’un prince charmant…
Il y a, dans le film de Rayhana, un parfum de liberté. C’est la version politique de Femmes (1939), de George Cukor, célèbre film dans lequel une quinzaine de femmes se croisaient dans un institut de beauté. C’était fielleux et ironique. Chez Rayhana, c’est vif et tranchant. Rayhana, comédienne et metteuse en scène à la troupe nationale de Béjaïa, a écrit cette pièce brûlante, née d’un « besoin urgent et irrésistible », en s’inspirant des femmes autour d’elle. Exilée, elle a tourné ce film dans l’espoir que le message portera. L’important, c’est la puissance de l’œuvre. Ces épouses, ces sœurs, ces mères, qui rient et pleurent dans la vapeur du hammam, sont poignantes, drôles, belles, oui, belles.