C’est au tour de Jean Dujardin d’habiter l’univers punk et foutraque de Kervern et Delépine. Un cadre à la mesure de l’interprète de OSS 117, jouant ici un grand gamin de 50 berges à la recherche de l’idée géniale qui le rendra super riche...
... Mais en attendant, Jacques – c’est son nom – n’a pas un sou et est forcé d’aller quémander un peu de soutien chez sa grande sœur Monique (Yolande Moreau), administratrice d’une communauté Emmaüs près de Pau. Ce mouvement, créé dans les années 1950 par l’abbé Pierre, rassemble toute une série de personnes vivant dans la précarité et qui y trouvent refuge et travail. Chacun y est occupé à trier, rafistoler et mettre en ordre des accessoires de toutes sortes amenés à trouver une deuxième vie dans le circuit de la seconde main.
Cette logique solidaire ne répond pas vraiment au grand projet de Jacques… Non, lui ce qu’il veut c’est dénicher le filon qui fera exploser son compte en banque. Il croit fiévreusement au capitalisme, c’est sa religion, et il est persuadé qu’en répétant les gestes des plus grosses fortunes mondiales – Bill Gates en tête, dont il décortique la biographie – il finira par avoir l’illumination divine. Et puis, celle-ci finit par arriver : « il va rendre les petites gens beaux ! ». Une mention assez vague pour un projet qu’il compte bien rendre très concret…
Le cinéma de Kervern et Delépine ressemble en quelque sorte à ces villages Emmaüs : bric-à-brac géant où l’on retrouve acteurs professionnels et amateurs, idées originales et improvisations, univers bricolé, mise en scène désordonnée, mais fil conducteur solide. Et où souffle toujours un vent de liberté féroce. On aime se perdre dans cet univers, y découvrir un Jean Dujardin en roue libre, entêté jusqu’à l’os et tellement bête qu’il en devient touchant. Les acteurs qui l’accompagnent ne sont pas en reste : Yolande Moreau, attendrissante dans le rôle de la sœur prête à suivre les élucubrations de son frère pour ne pas lui faire de peine, Jean-Benoît Ugeux, bibliothécaire poussiéreux que l’énergie de Jacques viendra vivement secouer, et les autres, pour la plupart amateurs, amis des deux cinéastes qui viennent ajouter leurs traits expressifs à cette fiction complètement décalée face au tout-venant de la comédie française.
Alicia Del Puppo, les Grignoux