Un père part à la recherche de son ainée dans un Paris inconnu, accompagné de sa plus jeune fille pour qui il est lui-même presque un inconnu. Double histoire de fille « perdue » et d’identité à transmettre, Ma fille dévoile la belle sensibilité de la comédienne Naidra Ayadi passée derrière la caméra pour un premier film qui touche juste
Une vie de famille bien ordinaire, figée dans sa routine. Hakim rentre fourbu de la scierie où il est contremaître. Il se jette illico dans le canapé et entend comme une ritournelle les paroles de Latifa, sa femme, ses tracas quotidiens et son excitation à l’idée qu’enfin leur grande fille de 19 ans rentre pour Noël, elle qui n’est plus revenue depuis son départ à Paris.
Hakim n’est pas du genre à s’épancher ni à beaucoup parler. Et quand Nedjma, sa fille de 14 ans, vient casser l’esprit de Noël en leur apprenant que finalement, non, Leïla lui a envoyé un texto pour annuler sa venue, il est prêt à laisser tomber l’affaire.
Mais sous le coup de la véhémence de Latifa et sans doute de son propre désarroi, il se décide à partir la chercher à Paris, en prenant Nedjma avec lui, elle qui n’a jamais vu la capitale. Provinciale ébahie par la grande ville, elle trouve pourtant plus vite ses repères que son paternel un peu gauche, un peu trop poli, avec de vieux réflexes qui reviennent, ceux de l’immigré fraîchement débarqué dans une capitale inconnue et qui ne veut pas faire de vagues.
C’est le début d’une recherche tantôt calme, tantôt effrénée pour retrouver une fille qui semble avoir abandonné non seulement ses études, mais aussi son passé et les aspirations de ses parents pour elle. Hakim découvre, d’abord passif puis en colère, le tumulte de la vie parisienne d’une fille qu’il ne reconnaît plus, et qu’il ne retrouve pas.
L’absence de Leïla jouera comme un vecteur de rapprochement entre Hakim et sa plus jeune fille, avec l’ouverture timide de pans d’une histoire personnelle d’habitude tue, par pudeur, par oubli volontaire.
Si le film propose une plongée dans un Paris fait de clubs interlopes et de bars louches dans lequel Leïla gravite, ce dont il sera question n’est pas tant la « faute » d’une fille que la faillite d’un père, d’un coup submergé par son incapacité à protéger son enfant, mais aussi à transmettre l’héritage complexe de son immigration.
Roschdy Zem, de chaque plan, y est tout simplement épatant.
Catherine Lemaire, les Grignoux