Le deuxième long métrage de Mohamed Ben Attia (après Hedi) est avant tout un film sur la paternité. À travers les yeux de son personnage principal, un père aimant qui découvre la radicalisation de son fils, le réalisateur raconte le parcours de cet homme simple pour retrouver l’adolescent parti rejoindre Daesh. Un film pudique et émouvant qui parle de ceux qui doivent vivre avec l’absence de ceux qu’ils aiment
Riadh est cariste dans le port de Tunis, à quelques jours de la retraite. Avec Nazli, ils forment un couple aimant. Des gens simples, honnêtes et travailleurs qui ne vivent que pour le bonheur de leur fils, Sami. Ce dernier est en pleine préparation du bac et souffre régulièrement de migraines inexpliquées. Ce qui bouleverse d’ailleurs complètement ses parents qui ne trouvent aucun remède pour le soulager. Et puis Sami disparaît. Riadh se lance à la recherche du jeune homme quand il comprend qu’il est parti rejoindre Daesh.
La force du film de Ben Attia est qu’il laisse vivre ses personnages sans jamais juger ou condamner. Une fois l’adolescent disparu, il n’y a plus que Riadh, que la perte inexpliquée de Sami renvoie à sa condition de père, de chef de famille déchu. On ne connaîtra jamais les raisons qui ont poussé le fils à quitter ce foyer aimant. Comme des centaines de jeunes qui ont rejoint les rangs de l’État islamique, Sami n’a rien laissé paraître. Au fil du parcours qui entraîne le vieil homme vers la Turquie et la Syrie, c’est ce silence étouffant, cette perte de repères du quotidien qui vont placer Riadh devant une évidence : la vie dont il rêvait pour son fils et dont il pensait que c’était ce qui pouvait lui arriver de mieux n’était que le miroir de son propre bonheur.
Sans dénoncer rien ni personne, le réalisateur montre ce qui se passe. Il montre le voyage du père, il montre l’essoufflement de la mère, il montre le commerce qui s’est installé autour du passage des djihadistes de Turquie en Syrie. Et en dépassionnant le débat, il parvient ainsi à concerner chacun d’entre nous.
Laurence Hottart, les Grignoux