C’est toujours un bonheur de retrouver Michel Blanc en tant que chef d’orchestre d’une comédie racée, sophistiquée, ou le fantasque n’est pas forcément étranger à nos névroses contemporaines
Le tourbillon du film s’intègrera difficilement dans la camisole de force de l’inévitable pitch. Car ils sont nombreux à danser. Et pas toujours sur le même tempo.
Julien (Jean-Paul Rouve) a l’impression d’être traqué en permanence : des pas résonnent dans l’escalier, des individus suspects circulent autour de sa voiture. Sa femme, Lucie (Carole Bouquet, en majesté), lui conseille d’aller consulter. Véro (Karine Viard, à son meilleur dans l’explosivité) part toujours d’une bonne intention. Mais, à l’arrivée, c’est l’embardée et elle doit s’esquiver pour pleurer toutes les larmes de son corps dans les toilettes. Et ce n’est pas elle qui va apporter chaleur et réconfort à sa fille de 17 ans qui lui annonce être enceinte et bien décidée à garder l’enfant.
Elizabeth (Charlotte Rampling, aristocrate en diable) survole ce petit monde avec une bienveillance classieuse. Mais cela ne l’empêchera pas de subir la débâcle financière de son mari Bernard (un Dutronc pur jus).
Quant aux jeunes, ils mènent leur barque et se débrouillent. À l’image du fils de Julien, Alex (William Lebghil), qui fait du repassage à domicile pour payer ses études.
Ce n’est pas à Michel Blanc qu’il faut apprendre les paramètres de la comédie rondement menée. Le cinéaste ne lésine pas sur la qualité d’une langue finement ciselée, le tempo trépidant de répliques bien agencées.
Bien entendu, la comédie de mœurs convoque les inévitables orages de l’amour, mensonges et quiproquos, rebondissements dans un pré carré où tout le monde finit par se croiser. Mais l’acteur-phare de la troupe du Splendid n’est pas dupe des clichés qui le guettent au détour du genre éculé du vaudeville ; aussi, avec la complicité de ses acteurs, il s’empare de ceux-ci pour leur offrir des ailes burlesques, des lignes de fuite surréalistes.
Comme les grands artisans de la comédie, Michel Blanc a l’intelligence de ne pas épuiser le rire en le poussant dans ses derniers retranchements. Il le confronte à quelques moments de gravité, à des nappes de mélancolie, à un regard amusé sur nos névroses contemporaines.
Dany Habran, les Grignoux