L’un des sommets du cinéma français d’avant-guerre, affirmant la prééminence du poétique sur le social à travers un couple de mariniers fous d’amour
« Filmant la prose, il atteint sans effort la poésie. » François Truffaut, le roi de la formule, découvre, enthousiaste, les films de Jean Vigo dans les ciné-clubs après la guerre. Prosaïque et poète, une dualité que l’auteur maudit d’À propos de Nice revendique avec la fierté du désespoir.
Quand il tourne L’Atalante, il est à bout, très malade. Après l’échec de Zéro de conduite (censuré pendant douze ans), son producteur mécène, Jacques-Louis Nounez, lui dégote un scénario qui a l’apparence d’une romance inoffensive pour amadouer la Gaumont échaudée. Une jeune Parisienne se marie avec un marinier, qui l’emmène sur sa péniche. Là, ils doivent cohabiter avec le père Jules, matelot bougon – Michel Simon, génial. Au fil de l’eau, la jeune fille s’ennuie. En Bovary des écluses, elle se laisse séduire par un camelot. Jean Vigo, qui prône un cinéma social subversif, dynamite la bluette : il invente le « fantastique social », qui mêle visions surréalistes et dénonciation de la crise sociale.