Les tabous sociaux et le statut des femmes en Inde sont au cœur de cette romance délicate entre un homme fortuné et son aide-ménagère
Ratna est une jeune femme que le destin n’a pas épargnée. Non seulement elle est issue de la caste des Sudra – celle des paysans, des artisans et des petites mains –, ce qui dans la société indienne très hiérarchisée signifie qu’il y a peu d’espoir pour elle de s’élever un jour socialement, mais en plus l’homme à qui elle était mariée est décédé brutalement et, en tant que veuve, ses chances d’ascension sont d’autant plus réduites. Pourtant, Ratna a un rêve et, aussi fou que cela puisse paraître, elle aimerait devenir designer de mode.
N’ayant plus rien à perdre, elle part pour Mumbai – la capitale commerciale indienne – travailler comme domestique pour un riche entrepreneur fraîchement marié. Seulement, à son arrivée, elle apprend que les noces ont été annulées à la dernière minute par le futur mari, Ashwin, son patron, avec qui elle se retrouve donc seule dans un vaste appartement.
Harcelé par ses proches cherchant à savoir quelle mouche l’a piqué, Ashwin va trouver en Ratna une compagnie rassurante. Ancien journaliste à New York, celui-ci a été contraint de revenir en Inde à la mort de son frère pour reprendre sa place dans la société familiale, renonçant ainsi à ses ambitions d’écrivain. Et, connaissant le prix de la résignation, il accepte que Ratna profite de son temps libre pour suivre une formation de couture.
Progressivement se noue entre eux une amitié allant tout à fait à l’encontre des mœurs indiennes, pour qui une relation entre deux personnes issues de castes différentes relève pratiquement de l’infamie.
Pour prendre convenablement le pouls de cette histoire naissante, il est bon de se rappeler la situation des domestiques en Inde, considérés par la haute société comme des êtres inférieurs, et dont le traitement va de pair avec le mépris qu’on leur porte. Ainsi, la gentillesse et la prévenance d’Ashwin envers son aide-ménagère apparaissent auprès de son entourage – et auprès de Ratna elle-même – comme absolument déplacées…
Sous ses airs de romance fragile, parfois fleur bleue, Sir est un film qui nous en apprend beaucoup sur la société indienne, sa manière de fonctionner, et les rapports compliqués que la hiérarchie entre les classes peut impliquer.
ALICIA DEL PUPPO, LES GRIGNOUX