Avec Green Book, nous retrouvons le plaisir d’un cinéma américain intelligent, populaire et éminemment divertissant. Un pianiste classique virtuose s’adjoint un chauffeur, garde du corps à ses heures, pour une tournée dans les États sudistes pas toujours franchement accueillants…
Le « green book » du titre, qu’est-ce donc ? Sa couverture verte n’en fait pas un manifeste survivaliste au sein d’une nature verdoyante, mais un guide urbain pour s’en tirer vivant dans chacun des cinquante États américains, quand on est Noir et qu’on cherche un hôtel. Le précieux sésame doit permettre à Donald Shirley (Mahershala Ali, le père putatif dans Moonlight) de faire une tournée dans les États sudistes sans trop de dommages. Cela dit, Donald n’est pas dupe : il a beau être l’un des pianistes classiques les plus renommés du moment et vivre dans l’opulence à New York, il ne se fait pas d’illusion sur les dangers qui le guettent et le racisme patent dont il sera l’objet, en cette année 1962, lors de sa tournée. Raison pour laquelle il recherche un chauffeur blanc capable d’en découdre et de le protéger des affreux.
Tony (Viggo Mortensen), quant à lui, vit avec femme et enfants dans un quartier populaire au sein de la communauté italo-américaine. Il travaille dans un club et passe la nuit à surveiller les clients, à sortir ceux qui sont susceptibles de faire du grabuge, à se rapprocher des riches clients plus ou moins mafieux. Lorsque le club ferme pour travaux, il se retrouve temporairement au chômage technique. De fil en aiguille, il entend parler d’un certain docteur Don qui cherche un chauffeur et se retrouve au-dessus du Carnegie Hall dans un décor pour le moins chargé, entre pièces de collection et monceaux de babioles en tous genres. Qui plus est, le docteur Shirley en question a le sens du décorum et lui fait passer un entretien d’embauche assis en toute modestie sur un immense trône.
Et les voilà partis sur les routes, l’un à l’arrière, classieux, bien élevé, et l’autre à l’avant, popu, un peu vulgaire, qui se demande qui est cet énergumène de patron. La route et ses aléas, le racisme « ordinaire » dont Don est l’objet en toutes circonstances, et le poulet frit les rapprocheront insensiblement. Peter Farrelly (eh oui, le Farrelly « king of comedy » d’il y a vingt ans, époque Mary à tout prix) a débusqué cette histoire vraie on ne sait trop où… et peu importe. Ce qu’il en fait, c’est une ode bienvenue à la différence et au vivre ensemble (non, ce n’est pas cliché de dire ça !) et un moment de bonheur fondant. C’est drôle, ciselé, enlevé, et on en redemande !
CATHERINE LEMAIRE, LES GRIGNOUX
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